Les catastrophes auxquelles notre
espèce et notre civilisation ont échappés
Notre espèce intelligente, civilisée et technologique,
existe parce que, dans le développement de l'univers, notre
planète et notre espèce ont eu pas mal de chance. Sans le
savoir, nous avons échappé à un grand nombre de
catastrophes potentielles. La preuve, nous sommes là !
Les filtres cosmiques
En termes scientifiques, les astronomes nous expliquent que nous avons
réussi à franchir dans le passé un certain nombre
de ce qu'ils appellent des "filtres".
Pourquoi des filtres ?
Avez-vous déjà tamisé le sable ? Les astronomes
tamisent les planètes pour trouver celles qui pourraient abriter
la vie et l'intelligence. Tâche colossale ! Il se trouve que l'on
estime désormais (2020) qu'il pourrait exister dans notre galaxie
plus d'un milliard de planètes habitables. S'il n'y avait pas de
filtre, toutes ces planètes auraient fini par abriter d'abord la
vie, puis finalement une vie intelligente et capable de communiquer avec
nous.
L'univers est très vieux, notre galaxie a plus de treize
milliards d'années. Elle devrait grouiller de vie intelligente,
et d'espèces technologiques comme la notre. Or cela n'est pas le
cas, puisque malgré tous nos efforts, impossible de
détecter le moindre monde peuplé de petits hommes verts.
Où sont ils donc ? C'est ce que l'on appelle le paradoxe
de Fermi. Notons qu'avec des grands radio-télescopes, on
pourrait les détecter à plus de cent
années-lumière de distance. (Et, réciproquement,
ils pourraient nous détecter eux aussi à cette distance
par nos émissions radio).
Donc il y a des filtres qui
empêchent les mondes potentiellement habitables d'abriter des
petits hommes verts. Chaque monde potentiel doit passer à travers
tous ces filtres, ou mourir et disparaître. Quels sont donc ces
filtres ? Eh bien, nous avons eu de la chance. Et même beaucoup,
beaucoup de chance. Car des filtres, il y en a un sacré paquet.
Qu'on en juge :
Filtre 0) L'univers
Notre univers existe, il est basé sur des lois (les lois de la
physiques) qui permettent la formation de particules, d'atomes et de
molécules, d'étoiles et de galaxies. De plus, il est
très vieux (treize milliards d'années) mais ses lois et sa
structure font qu'il pourra durer encore bien plus longtemps. Ce
n'était pas forcément évident que le big bang donne
naissance à un tel univers. Si certaines constantes physiques
avaient été différentes, ne serait-ce que de 1%,
nous ne serions pas là.
Filtre 1) La galaxie
Il a fallu que la terre naisse dans
une galaxie stable, qui n'est pas entrée en collision avec
une autre : notre étoile aurait eu toutes les chances de se
faire éjecter si cela avait eu lieu.
Filtre 2) L'emplacement du soleil
Il a fallu Que le Soleil naisse dans un coin de la galaxie pas trop
peuplé de super novae (des étoiles qui explosent, et dont
le rayonnement serait capable de détruire toute vie à cent
années-lumière de distance, voire plus).
Filtre 3) Les nuages interstellaires
...Mais que notre coin de galaxie contienne quand même des nuages
interstellaires contenant des éléments assez lourds pour
qu'une chimie complexe voie le jour. Or ces éléments
lourds sont formés dans les explosions de super novae et les
collisions d'étoiles à neutron... Notre système
solaire est issu de l'un de ces nuages, qui s'est progressivement
condensé, il y a 5,5 milliards d'années, sous l'effet de
la gravitation. Donc dans notre voisinage stellaire, il y avait juste ce
qu'il faut de ces étoiles dangereuses. ni trop, ni trop peu.
Bigre !
Filtre 4) La masse du Soleil
Que notre étoile, le soleil, ait une masse moyenne, ni trop
lourd, ni trop léger. Les étoiles les plus massives
"brûlent" très vite et ne vivent pas assez longtemps. Les
étoiles les plus légères, les "naines rouges", ont
la fâcheuse idée de balancer des radiations nocives dans
leur zone "habitable". Rappelons que la zone habitable (au sens
astronomique) d'une étoile, c'est tout simplement la zone
où il ne fait ni trop chaud (trop près de
l'étoile), ni trop froid (trop loin !) pour que de l'eau liquide
puisse exister à la surface d'une planète.
Filtre 5) La stabilité du Soleil
Que le soleil contienne juste ce qu'il faut d'hydrogène,
d'hélium et de Lithium pour qu'il ne devienne pas une
étoile variable. Or ces étoiles sont assez nombreuses. Le
soleil n'en est pas une. Ouf !
Filtre 6) Pas de visite d'une autre étoile ou d'un trou noir
balladeur
Qu'une autre étoile n'ait pas la mauvaise idée de
s'approcher trop près. En cinq milliards d'années,
c'était une possibilité très réelle. Bon, on
y a échappé.
Filtre 7) Des planètes
Que des planètes se forment autour de l'étoile. Bon
ça, on sait désormais que c'est finalement très
fréquent.
Filtre 8) La zone habitable
Que l'une de ces planètes (la Terre, pour ne pas la nommer) se
trouve dans la zone habitable. C'est assez fréquent aussi,
semble-t-il.
Filtre 9) habitable longtemps...
Qu'elle y reste suffisamment longtemps pour que la vie puisse
éclore et se maintenir pendant au moins 3,5 milliards
d'années (c'est l'âge de la vie sur terre). Et ça,
c'était pas gagné. Tous les systèmes stellaires ne
sont pas stables comme le nôtre.
Filtre 10) Une grosse planète dans le système
Que le système solaire contienne une autre planète,
suffisamment grosse et massive pour nettoyer le système solaire
de tous les astéroïdes assez gros pour éradiquer
toute vie, mais située quand même suffisamment loin de
l'orbite terrestre pour ne pas la perturber grandement, et
également pas trop grosse pour ne pas s'allumer en étoile
(Jupiter serait devenu une étoile s'il était seulement
cinq fois plus lourd). C'est le cas de Jupiter dans le système
solaire. Ça non plus, ça n'était pas gagné.
En fait, il est fort probable que Jupiter et Saturne soient nés
beaucoup plus près du soleil qu'ils ne le sont actuellement. Ces
deux planètes se sont ensuite progressivement
éloignées du Soleil grâce à un
phénomène appelé "résonance orbitale". Un
coup de chance ?
Filtre 11) La création d'une grosse Lune.
La terre a eu une histoire tumultueuse et peu banale : Il y a 4,5
milliards d'années, une autre planète, de la taille de
Mars, l'a heurté de plein fouet dans un choc cataclysmique, qui a
littéralement disloqué les deux proto-planètes. Une
partie des débris mélangés s'est
re-condensée pour former la Terre actuelle, l'autre a
formé un anneau de débris autour de la nouvelle
planète, qui s'est lui aussi progressivement re-condensé
pour former la lune, qui était alors beaucoup plus près de
la Terre que maintenant. Puis, à cause des effets de marée
gravitationnels, la Lune s'est progressivement éloignée de
la Terre jusqu'à son orbite actuelle. Elle continue d'ailleurs
à s'éloigner, au rythme de quelques centimètres par
an. Or cette collision a eu trois conséquences extraordinaires :
D'une part elle a réchauffé le noyau terrestre,
permettant un volcanisme très actif dans les premiers
âges de la planète, et la mise en route d'une
tectonique des plaques, donc une très grande
variété de biotopes.
D'autre part l'existence de la lune a stabilisé l'axe de
rotation de la Terre, permettant un cycle de saisons pas trop
chaotique, et qui a perduré pendant des milliards
d'années.
Enfin, la Lune a permis à la Terre de
bénéficier d'un cycle de marées.
Dans quelle mesure ces phénomènes ont-ils joué pour
permettre l'apparition de la vie, nous ne le savons pas.
Filtre 12) Le volcanisme a du bon
Ce qui est sûr, c'est que le volcanisme primitif de la terre a
rejeté à la surface des éléments utiles
à la vie, et bien sûr aussi il a grandement
contribué à la formation d'une atmosphère. Une
collision planétaire était-elle nécessaire pour que
cela arrive ?
Filtre 13) Une seule collision
Il y a eu une collision planétaire dans le passé de la
Terre, mais pas deux. Une seconde collision aurait anéanti tous
les effets bénéfiques de la première (sans parler
d'anéantir une éventuelle vie primitive)
Filtre 14) Volcanisme, OK, mais pas trop !
De même, un volcanisme trop intense, du genre un volcan tous les
20 km, et des coulées de lave un peu partout et tous les ans,
n'aurait pas permis à la vie d'exister (ou au moins a des
organismes évolués). La terre, il y a quatre milliards et
demi d'année, c'était pourtant ça. Heureusement, sa
croûte a pu se former et se solidifier.
Filtre 15) La masse de la Terre
La terre ne devait pas être trop massive, parce que sur une
planète trois fois plus grande (en diamètre), la pesanteur
à la surface aurait aussi été trois fois plus
grande, et on voit mal une vie intelligente évoluer dans des
conditions aussi... écrasantes. D'autant qu'une planète
massive aurait probablement une atmosphère tellement
épaisse que les vents auraient causé en permanence des
tempêtes colossales et dévastatrices.
Filtre 16) Éviter le sort de Mars
La terre ne devait pas être trop légère non
plus, car son atmosphère et son eau se serait progressivement
évaporée, ce qui est arrivé à Mars (qui est
dans la zone habitable du système solaire). De plus, Le cœur
d'une planète trop légère se serait refroidi trop
vite, et le champ magnétique aurait disparu.
Filtre 17) Éviter le sort de Venus
Sur Venus, qui n'est pas dans la zone habitable du Soleil, je vous le
concède, mais qui a la même masse que la Terre,
l'atmosphère très épaisse a causé un tel
effet de serre que la température à sa surface est de
près de 500°C. Ouf, l'atmosphère de la Terre n'est pas
trop épaisse...
Filtre 18) Le champ magnétique terrestre existe,
et c'est tant mieux car sans lui la vie aurait été
impossible : en effet il dévie les particules chargées
émises par le soleil et les empêche d'entrer dans
l'atmosphère. Or ces particules sont très dangereuses.
Filtre 19) La terre ne devait pas tourner trop vite... ou trop
lentement
Trop vite, les jours et les nuits n'auraient duré que quelques
heures (bon, OK, je ne sais pas si c'est vraiment un problème),
et les cyclones seraient (encore plus) dévastateurs. Trop
lentement, elle aurait fini par montrer toujours la même face au
soleil, et il ferait trop chaud le jour et trop froid la nuit. Dans
quelle mesure la collision originelle qui a créé la Terre
et la Lune a permis justement de modérer la rotation de la Terre,
je ne sais pas. Mais bon, on a (encore !) eu de la chance.
Filtre 20) L'eau liquide
Pour que nous soyions là, il a fallu que l'eau liquide existe
à la surface de la Terre, et juste dans la bonne quantité.
Vous ne le savez peut-être pas, mais l'eau terrestre vient, pour
la plus grande part... des comètes. Eh oui ! Les comètes,
ces petits corps qui ont des orbites très excentriques et une
très longue queue (seulement lorsque leur orbite les amène
près de Soleil, donc de la Terre), sont constituées
majoritairement de glace d'eau. Rien d'étonnant à cela.
L'eau est un composé chimique simple, très abondant dans
l'univers. Très loin du soleil, le "nuage de Oort" contient sans
doute des milliers de milliards de gros glaçons, les futures
comètes. Peu après la formation de la Terre
(En termes cosmiques ça veut dire un milliard d'année), une
fois la croûte de la planète un peu refroidie, il restait
encore pas mal de comètes dont l'orbite croisait celle de la
Terre, et d'ailleurs de la Lune : les cratères lunaires sont des
témoins de cette époque que les astronomes appellent le
"grand bombardement tardif" : une pluie de comètes
s'écrasant sur toutes les planètes du systèmes
solaire interne. Un peu plus tard (un autre milliard d'année,
donc), nous avions des océans. La lune a eu aussi de l'eau, mais
elle s'est évaporée depuis, faute d'atmosphère..
Il est très probable que ce grand bombardement tardif a
été causé par les perturbations gravitationnelles
du nuages de Oort (le réservoir des comètes, très
loin du soleil) dues au re-positionnement, tardif lui aussi, du couple
Jupiter-Saturne à leur place actuelle (voir le filtre 10). S'il
n'avait pas eu lieu, la Terre n'aurait pas reçu autant d'eau des
comètes.
Mais attention : s'il n'y avait pas eu assez d'eau, disons quelques
mares et autres lacs, ils auraient fini par disparaître.
Inversement, s'il y avait eu trop d'eau, la terre aurait
été 100% recouverte d'océans. Pas sûr que la
vie, au moins la vie intelligente, puisse émerger (lol) dans ces
conditions. Il existe peut-être, autour des autres étoiles,
un grand nombre de ces planètes-océan. Qui sait ? On le
saura peut-être dans moins de vingt ans, si la technologie des
télescopes et des spectroscopes progresse au rythme actuel.
Filtre 21) La tectonique des plaques.
Notre planète a un noyau anormalement chaud, des continents
qui dérivent, et donc des chocs entre plaques tectoniques, des
reliefs très variés, des montagnes très hautes, des
lacs, des fleuves, des environnement locaux très
différents. Dans quelle mesure était-ce nécessaire
à l'apparition de la vie ? Dans quelle mesure était-ce
nécessaire à l'évolution d'organismes complexes ?
Dans quelle mesure était-ce nécessaire pour que ces
organismes se complexifient progressivement ? Nous ne le savons pas,
parce que nous ne connaissons qu'une seule planète où la
vie existe : la nôtre.
Filtre 22) La Vie est née sur terre.
Était-ce un événement probable ou pas ? Est-ce que,
sur une planète où toutes les conditions (ci-dessus) sont
réunies, la vie apparaît automatiquement ? La plupart des
astronomes pensent que oui. Je vais tenter de vous expliquer pourquoi.
Et tout d'abord, qu'est-ce que la Vie ? On peut définir le vivant
par "la capacité de former soi-même sa propre substance
à partir de celles qu'il puise dans le milieu". La vie telle que
nous la connaissons sur terre, mais aussi telle que nous l'imaginons sur
d'autres planètes, est basée sur la chimie du Carbone. Et
c'est très logique, parce que le carbone est
l'élément qui permet le plus facilement, et avec la moins
grande dépense d'énergie, de former des molécules
complexes. Mais une chimie potentiellement complexe ne suffit pas. Pour
qu'un organisme, même élémentaire, puisse se former,
se reproduire (provoquer la formation d'autres organismes identiques ou
semblables), et évoluer, il faut un code. Il faut que quelque
part, l'organisme possède une description de sa propre structure.
Toute la vie sur Terre est basée sur le code
génétique, un codage unique commun à tous les
organismes terrestres, lui même basé sur les
propriétés d'une très grosse molécule,
l'ADN. L'ADN contient, sous forme codée, la description de sa
propre structure, et celle de tout l'organisme qui le contient. D'autres
codages auraient dans doute été possibles. Dans le
passé de la Terre, il y en a peut-être eu d'autres. Mais
parce que l'ADN est, finalement, très efficace,
l'évolution a éliminé tous les autres. Sur d'autres
planètes où la vie est apparue, le même processus
aurait pu avoir lieu.
Dans l'apparition de la vie, il y trois étapes principales
: La soupe primitive, la création d'une molécule
capable de se répliquer en assemblant des molécules plus
petites (l'ADN primitif), puis l'invention du code
génétique qui allait permettre de fabriquer des
molécules et organismes complexes "en série" selon un plan
précis.
Il faut savoir que toutes les structures chimiques présentes dans
les organismes vivants, par exemple les protéines ou les
nucléotides, sont des assemblages (ou des fragments) de
molécules assez simples qu'on appelle les acides aminés.
Et les acides aminés, parce que ce sont des molécules
simples, sont présents dans l'univers en assez grande
quantité. On en a détecté dans les nuages
interstellaires, dans des météorites, des comètes.
Il devait y en avoir dans les océans et les lacs de la terre
primitive. Comme les acides aminés ont tendance, chimiquement,
à se regrouper, il suffisait d'attendre assez longtemps pour que
des molécules plus complexes se forment. D'autres processus
possibles mettent en jeu des combinaisons chimiques qui seraient
apparues à la faveur des éclairs, d'éruptions
volcaniques, des "fumeurs noirs", ou de combinaisons à la surface
des argiles qui tapissaient le bord des lacs.
Il faut imaginer une sorte de "soupe primitive", formée de
beaucoup et d'eau de quelques molécules à base de carbone,
d'azote, d'hydrogène et d'oxygène, parmi lesquelles
quelques acides aminés et autres nucléotides. Il avait
fallu attendre un milliard d'année avant que le premier ADN se
forme (par hasard) dans cette soupe, mais le processus va
s'accélérer, parce que l'ADN est capable de se dupliquer.
Comment ça marche ?
Qu'est-ce que l'ADN ? C'est un assemblage moléculaire,
formé de quatre sorte de molécules plus petites, les
nucléotides, disposées dans un certain ordre en formant une
très longue chaîne.
Les nucléotides ont la particularité de s'associer deux
par deux : chacun des quatre types a une affinité (chimique !)
avec un autre type précis de nucléotide. Chacun veut
attirer son copain (ou sa copine) ! Dans l'ADN, ce sont donc les paires
de nucléotides qui se succèdent comme des perles sur un
fil, ou de deux fils parallèles et collés l'un à
l'autre, pour être plus précis. l'ADN humain contient des
milliards de ces paires. Mais les premières molécules
d'ADN, seulement quelques-unes.
OK, vous me direz qu'une une molécule aussi complexe que l'ADN,
même un tout petit ADN comportant quatre ou cinq paires de
nucléotides, ne sort pas de la cuisse de Jupiter. Mais le temps
dure longtemps. Un milliard
d'années, c'est long. Ce qui est possible finit par
arriver. Les quelques nucléotides présents dans la soupe
se lient par paires. Puis une molécule d'ADN se forme suite
à la collision de plusieurs paires de nucléotides. Il
suffira d'une seule pour lancer le mécanisme de la vie.
L'ADN est très solide, mais ses deux extrémités ne le
sont pas. Si, à la suite d'une collision avec une grosse
molécule par exemple, l'ADN se déchire à un bout
(c'est à dire : un nucléotide se sépare de son
copain), la déchirure va se propager et l'ADN va se trouver fendu
dans le sens de la longueur. Il y a maintenant deux molécules,
deux fils, et dans chacun, chaque nucléotide est capable de se
lier chimiquement avec son copain, et seulement son copain. S'il y assez
de nucléotides dans la "soupe", on se retrouve assez vite avec
deux molécules d'ADN identiques !
Très vite, il y en a beaucoup. A tel point que tous les
nucléotides de la soupe font maintenant partie des
molécules d'ADN qui s'y trouvent. On est dans une impasse. Mais
la chimie du carbone est merveilleuse. Les molécules d'ADN
peuvent s'attacher les unes autres autres, formant des fils plus long.
Il va bientôt y avoir des tas de sortes de molécules d'ADN,
plus ou moins longues, toutes différentes, dans notre soupe.
Seules les plus aptes à se dupliquer vont survivre. Certaines
vont bénéficier d'alliés inattendus : les
premières protéines. Ce sont ces ADN là qui
survivront.
Car, en plus de pouvoir se dupliquer, l'ADN possède le pouvoir de
fabriquer des protéines. Les protéines sont des
molécules assez grosses, constituées elles-même
d'acides aminés. Vos cellules sont constituées de
protéines, mais pour le moment, on n'en est pas là. Pas la
moindre cellule, pas la moindre protéine. Mais on a des acides
aminés dans la soupe, et on a de l'ADN. Ce sera suffisant.
En effet, les paires de nucléotides ont cette
propriété chimique que, lorsqu'on en regroupe trois, ce
triplet va attirer un acide aminé particulier, et un seul. Et
rappelez-vous, l'ADN est formé d'une longue suite de paires de
nucléotides rangés dans un certain ordre. C'est cet ordre
qui constitue le code génétique.
Pour lire ce code, on "lis" les nucléotides de l'ADN trois par
trois, dans ce que l'on appelle des codons : comme il y a 4 sortes de
nucléotides, en les groupant par 3 cela donne 4x4x4 = 64
possibilités. Le code génétique permet d'associer
à chaque combinaison (codon) une molécule
spécifique, plus précisément un acide aminé.
Chaque codon est capable d'attirer chimiquement un acide aminé
donné (s'il se trouve dans les parages du codon, bien sûr),
et de l'ajouter à une nouvelle molécule en cours de
construction.
Il y a des combinaisons redondantes et aussi des combinaisons "STOP" qui
ordonnent de cesser la traduction, donc au final il n'y a que vingt
acides aminés "standard". S'il y a des acides aminés dans
les parages de l'ADN, ils vont se retrouver attirés puis
liés chacun à leur code respectif, et comme ils vont se
retrouver tous voisins, il se lient entre eux par attraction
électrostatique. Une nouvelle molécule est née; une
protéine, avec une structure codée par l'ADN !
La plupart des protéines ainsi crées ne serviront à
rien. Mais certaines ont la propriétés de faciliter par
catalyse ou autre processus chimique, la création de nouvelles
molécules à partir des composants que l'on trouve dans
l'eau (de mer ?). Par exemple des sucres, des bases azotées, des
acides aminés, des nucléotides... Ah, Ah, voila quelque
chose d'utile ! D'autres protéines auront la
propriété de protéger "leur" ADN, ou au contraire
de faciliter sa duplication. Le code génétique ne s'est
pas mis en place tout seul, il est le résultat d'un processus de
sélection naturelle de l'ADN le plus apte à survivre en
créant (codant) des protéines qui l'aideront.
Que conclure de tout cela ? Je
pense que si on lui laisse le temps, la vie finit par apparaître.
Et si une vie extra-terrestre existe, elle a de forte chances de se
retrouver, elle aussi, basée sur les mêmes principes : une
molécule jouant le rôle de l'ADN et un code
génétique peut-être différent du nôtre,
mais toujours utilisant la chimie du carbone et avec de l'eau comme
solvant.
Autre chose: l'évolution
est un processus qui est automatique et qui a démarré
dès que la première molécule d'ADN s'est
formée. En effet, les réplications de l'ADN ne sont pas
toutes parfaites, il peut donc y avoir des mutations. Et seules les
molécules aptes à fabriquer les protéines qui
seront utiles à leur protection et leur réplication
survivront. Mutations + sélection => évolution.
Filtre 23) Un climat pas trop chaotique
Bon, un milliard d'année après la création de la
Terre, c'est à dire il y a 3,5 milliard d'années, on avait
donc une vie très élémentaire dans laquelle les
organismes ne sont que de fragiles molécules. Il n'est pas dit
qu'ils vont survivre. Car l'environnement est changeant. Le climat de la
terre a connu des périodes de canicules et de glaciations. Toutes
les planètes où la vie est apparue n'ont peut être
pas eu notre chance. La soupe primitive peut se retrouver
asséchée, ou gelée. On a eu de la chance.
Filtre 24) Pas de méga astéroïde
Pendant tout ce temps, des milliards d'années, il faut
éviter les événements cosmiques qui
stériliseraient la planète. Si l'astéroïde qui
a causé la fin des dinosaures, en créant un tel nuage de
poussières dans l'atmosphère que la
température moyenne s'est abaissée de plusieurs dizaines
de degrés pendant des années, avait été dix
fois plus gros, pas sûr que les mammifères auraient
survécu eux aussi.
Filtre 25) Les machines à survie. Cellule procaryote
Une molécule d'ADN, si elle est suffisamment longue, et
grâce à la présence des codons "STOP" (voir plus
haut), peut fabriquer simultanément différentes
protéines. Si par chance ces protéines se regroupent pour
encapsuler l'ADN dans une sorte de coquille, on a le début d'une
cellule primitive, ou, comme disent les biologistes, une cellule
procaryote. Ces coquilles seront les machines à survie des
gènes. Elles les protègent. Elles vont se perfectionner,
pour devenir des organismes unicellulaires, des bactéries
primitives. Oui, enfin ça n'est pas acquis que sur toutes les
planètes où la vie est apparue, ce soit le cas.
Filtre 26) Appartion des cellules eucaryote
Eucaryote signifie "Noyau vrai". Ces cellules possède un noyau
qui abrite l'ADN. Autour de lui, mais toujours dans la cellule, on
trouve un tas de petits "organites" qui sont des usines
spécialisées qui fabriquent tout ce dont la cellule a
besoin. Certaines ont leur propre petit ADN. Ces eucaryotes sont
probablement issues de la fusion de plusieurs procaryotes. Les
cellules eucaryotes ont le grand avantage de pouvoir être
indéfiniment diversifiées et spécialisées.
Impossible d'imaginer une vie intelligente qui ne serait pas faites de
cellules eucaryotes.
Filtre 27) Organisme multicellulaire
La différence entre une simple symbiose entre plusieurs cellule
et un véritable organisme multicellulaire, c'est qu'il faut
résoudre le problème de la production de cellules
germinales (comme les spermatozoïdes et les ovules) et de la
régénération d'un organisme complet à partir
de celles-ci. Sacré défi ! On pense que les premiers
organismes multicellulaires sur terre ont été des micro
algues rouges, apparues il y a deux milliards d'années.
Filtre 28) Inventer la photosynthèse
Un organisme sans source d'énergie, serait incapable de s'adapter
à son environnement. L'invention de la photosynthèse
va permettre à la cellule de fabriquer des matières
organiques directement à partir de dioxyde de carbone et d'eau,
des ressources qui sont très abondantes sur la terre primitive,
qui avait une atmosphère constituée de CO2 et d'azote,
sans oxygène ou presque. Mais la photosynthèse, ça
ne va pas de soi.Il faut fabriquer de la Chlorophylle. Et ça,
c'est très complexe et ça demande de l'acide succinique et
un acide aminé pour former un "noyau pyrole", puis sa
condensation à l'aide de glycocolle et une réduction
finale. Bref, faut du temps avant qu'un organisme primitif
synthétise les bonnes protéines pour catalyser tout
ça.
Sur Terre, ça va prendre sept cent millions d'années. On
estime que les premières algues photosynthétiques
monocellulaires sont apparues dans l'eau de mer il y a 1,2 milliard
d'années, les premières algues vertes il y a cinq cent
millions d'années. Elles étaient la symbiose entre des
bactéries photosynthétiques (cyanobactéries) et une
cellule eucaryote. Cent millions d'années plus tard, elles
partaient à la conquête des terres émergées.
Filtre 29) Respirer l'oxygène.
Entre temps, l'oxygène s'accumule dans l'atmosphère
à cause de la photosynthèse. Or il se trouve que
l'oxygène est... oxydant. C'est un gaz très dangereux pour
les premiers organismes anaérobies (incapables de respirer
l'oxygène). Un poison mortel. Chance, les bactéries
aérobies sont apparues. Ouf !
Filtre 30) L'explosion cambrienne,
Il y a cinq cent millions d'années, au cambrien, sont apparus
presque subitement tous les embranchements d'animaux multicellulaires et
les premiers animaux de grande taille (trilobites, etc). C'est ce que
l'on a appelé l'explosion cambrienne. Les raisons de cette
apparition soudaine restent encore peu connues, parce que les animaux
plus anciens avaient un corps mou, et donc n'ont pas laissé de
fossiles, ce qui fait qu'on ne sait quasiment rien d'eux.
Cependant le fossé entre les premiers organismes
multicellulaires, dont la taille ne dépassa pas quelques
millimètres, et les incroyables animaux du cambrien, d'une taille
de l'ordre du mètre, est tel que l'on peut se demander si
l'apparition de ces animaux n'est pas due à un
événement extérieur, comme une grande glaciation
qui précisément avait eu lieu un peu auparavant. Et pas de
catastrophe, pas de faune capable d'évoluer vers une vie
intelligente...
Filtre 31) Reproduction sexuée
Oui, je sais, les livres de SF sont pleins de créatures
extra-terrestres bizarres et ayant trois sexes, (ou quatre !). Mais
quelle est la probabilité qu'une évolution biologique
engendre de tels monstres avant d'inventer
la reproduction sexuée à deux partenaires ? Quasiment
zéro. Les organismes terrestres sont très
différents mais ils n'ont pas trois sexes.
La reproduction sexuée, en brassant les gènes des deux
parents, permet l'apparition de nouvelles combinaisons, et est un
formidable accélérateur d'évolution. Donc je dirait
que la reproduction sexuée est indispensable à
l'apparition d'une vie intelligente. Encore fallait-il l'inventer. Sur
terre, elle est très ancienne et il se pourrait même que
certains organismes procaryotes, l'aient inventés.
Filtre 32) Extinction des dinosaures et animaux géants
Il y a 65 millions d'années,les dinosaures disparaissaient,
victimes d'un astéroïde géant qui perturba le clima
terrestre pendant plusieurs années. Ce que l'on sait rarement,
c'est qu'à cette époque, il y avait déjà des
mammifères : des marsupiaux, un genre de paresseux, etc. Eux ont
survécus (partiellement) à la catastrophe, parce que plus
petits, plus agiles et moins dépendants d'une seule source de
nourriture.
Mais auraient-ils survécu, et pu évoluer, si les
dinosaures n'avaient pas disparu ? Si les dinosaures n'avaient pas
disparu, leur présence aurait été un danger
permanent pour les mammifères. Difficile de survivre sur une
planète-jungle infestée de carnivores géants.
Et si les dinosaures avaient survécu, mais pas les
mammifères ? une autre forme d'intelligence aurait-elle pu
apparaître ? J'ai un peu de mal à imaginer un dinosaure
intelligent, mais objectivement, quand on voit leurs descendants (les
oiseaux) faire certaines prouesses, on peut se poser la question.
D'un autre côté, danger signifie stimulation. Donc les
mammifères seraient devenus intelligents.. plus tôt ? Donc
il semble que ce Filtre n'en soit pas un. Ou bien, si ? Difficile de
répondre.
Filtre 33) La vie intelligente.
Les espèces vivantes ne quittent leur environnement que lorsque
elle y sont forcées. Sur terre, il y a trois millions
d'années, en Afrique de l'Est, la forêt dense a fait peu a
peu place à la savane, et les singes ont été
contraints de descendre des arbres pour parcourir les hautes herbes. Et
pour mieux voir leurs prédateurs et leurs proies, ils se sont mis
debout, leurs jambes ont grandi, leur tête s'est redressée,
leurs pieds sont devenus plus souples, ils ont appris à courir,
à épuiser leurs proies par la course, ils ont
adopté un régime plus riche en protéines et en
graisse, leur cerveau s'est développé. Ils sont devenus
des humains. Si l'Afrique de l'Est était resté une
forêt, aurait-ce été le cas ?
Et quid des autres espèces ? On qualifie les dauphins
d'intelligents, mais impossible de fabriquer des outils sous l'eau !
Filtre 34) Les groupes sociaux
On ne devient pas intelligent si l'on est seul. On n'invente pas un
langage si l'on est seul. Les animaux qui ont une propension à
vitre dans des groupes sociaux, comme les abeilles, les fourmis, les
rats, les dauphins, les éléphants et les singes, ont
découvert tout le bénéfice de la coopération
et de la spécialisation. Mais ça n'allait pas de soi. Se
regrouper, c'est dangereux. C'est dans sa propre espèce qu'un
animal (ou un végétal, d’ailleurs) trouvera la plus grande
concurrence, la compétition la plus féroce pour la
nourriture et la reproduction. Et puis toute une tribu, ça
bouffe. Il faut la nourrir. Bref, on a eu de la chance que de grands
animaux aient eu l'idée de se regrouper, et qu'ils ne se soient
pas entre-tués en le faisant.
Filtre 35) Apparition du langage
Crier pour avertir d'un danger ou signaler de la nourriture, ou
même indiquer l'emplacement de la nourriture ou du danger, c'est
bien. Mais c'est facile. Inventer un langage qui soit capable
d'universalité, de décrire tout ce qui peut être
décrit, c'est très différent. Pourquoi les singes,
les baleines, les dauphins et les corbeaux n'ont ils pas révussi
à franchir cette étape ? Nous avions la morphologie qu'il
fallait pour articuler un grand nombre de sons et de phonèmes
différents. Coup de chance ?
Filtre 36) Inventer des outils
L'intelligence c'est aussi le pouvoir d'abstraction : comprendre qu'un
caillou peut servir à casser une noix de coco, donc aussi
à fracasser la tête de son ennemi, ou même à
casser un autre caillou pour lui donner une forme plus tranchante.
Certains oiseaux, certains singes utilisent des outils, mais aucun
animal autre que l'homme n'a pensé à utiliser ces outils
hors contexte. Il semble que
franchir cette barrière, ce filtre, du pouvoir d'abstraction ne
soit pas si simple que ça.
Filtre 37) La Domestication du feu
Étape Ô combien majeure de la préhistoire, la
domestication du feu ne s'est pas faite en claquant des doigts. Il a
fallu qu'un homo sapiens ose s'approcher d'une branche enflammée
par la foudre, oser la prendre en main, ne pas se brûler,
comprendre que cette branche peut enflammer d'autres branches, que l'on
peut "donner à manger" au feu, mais qu'il ne faut pas trop lui en
donner, sinon on crée un incendie. Et comprendre aussi que le feu
peut servir à se défendre contre les animaux qui en ont
peur. Bel exemple de pensée latérale !
Filtre 38) L'agriculture
Un groupe de chasseurs-cueilleurs ne peut donner naissance à une
civilisation technologique. Il faut que les membres du groupe soient
suffisamment spécialisés pour que différents
métiers apparaissent. Avec l'agriculture, les cultivateurs vont
pouvoir nourrir les autres castes : guerriers, chefs, sorciers,
explorateurs, forgerons, etc. Mais l'invention de l'agriculture n'allait
pas de soi, puisque dix à vingt mille ans se sont
écoulés entre la domestication du feu et l'agriculture du
néolithique. Qui sait, elle aurait pu ne jamais se produire.
Filtre 39) L'invention de l'écriture
L'écriture, cette fleur de sens, donne une mémoire aux
peuples, et le pouvoir de transmettre des connaissances à des
gens que l'on ne connaît même pas. En ce sens, elle est bien
supérieure à la transmission orale, bien que cette
dernière soit plus fidèle que nos histoires de
"téléphone arabe" ne semblent le suggérer. Certains
récits transmis oralement, de bouche de druide à oreille
de druide, et de bouche de sorcier à oreille d'apprenti
initié, semblent bel et bien raconter des
événements réels qui se sont produits des milliers
d'années auparavant. Sur Terre, l'écriture a
été inventée, finalement, peu après
l'agriculture, dans le croissant fertile, il y a six mille ans. Cela
aussi, ça aurait pu ne pas se produire. Beaucoup de peuples dits
"primitifs " ignorent encore l'écriture.
Filtre 40) L'invention des lois
Avant, les chefs dictaient leur volonté et leurs sujets
obéissaient. Mais il y avait la nécessité pour les
gouvernants de grands territoires de faire connaître ces
volontés et les obligations de leurs sujets. Il y avait aussi la
nécessité de définir des règles pour, par
exemple, le partage des biens d'une personne
décédée, ou les droits et devoirs de telle caste
d'artisans, ainsi que les coutumes. On connaît bien le code
d'Hammurabi (2000 ans avant JC), le premier texte juridique complet qui
nous soit parvenu. Mais l'invention des lois est certainement plus
ancienne. Elle a suivi très rapidement celle de
l'écriture. De sorte que, peut-être, on peut
considérer que toute civilisation qui inventerait
l'écriture inventerait aussi le droit. Même avant
l'écriture, peut-être. Nous n'en savons rien.
Filtre 41) Découverte et utilisation des métaux
Nous avons eu les âges du bronze, puis l'âge du fer. Ce
dernier est récent : 800 ans seulement avant JC. Les
égyptiens ont taillé les pierres de leurs pyramides avec
des outils en cuivre ! L'utilisation des métaux est une
étape indispensable dans la création d'une civilisation
technique, sur Terre comme sur une planète extra-terrestre.
Filtre 42) Éviter la stagnation
Certaines civilisations du passé ont été
très stables. La civilisation des pharaons et des fellahs, celle
de la chine antique, de l'inde, des indiens d'Amérique... C'est
généralement une invasion "barbare" qui a causé
leur perte ou leur transformation. L'empire romain est un cas
particulier : sa société reposait sur l'esclavage, et donc
sur une armée puissante, capable d'aller sans cesse plus loin
chercher de nouveaux esclaves. Cela ne pouvait pas durer
indéfiniment car le monde n'est pas infini.
Mais imaginez par exemple une planète ne possédant qu'un
seul continent, un unique état, et suffisamment de ressources
naturelles pour satisfaire tout le monde. Pas d'envahisseurs, donc pas
besoin d'une armée. Pas besoin d'évoluer, pas même
l'envie, pas même l'idée d'évoluer ! Sans ce choc
culturel ou militaire, cela aurait pu durer... indéfiniment, et
les technologies les plus évoluées de la planète
auraient consisté en l'art de faire des poteries, des
constructions en pierre et des pyramides.Par chance (?) sur Terre nous
avons de nombreux états qui passent leur temps à se faire
la guéguerre.
Filtre 43) Le calcul
Compter, c'est très ancien. Je ne doute pas que les hommes
préhistoriques savaient nommer le nombre de bêtes dans un
troupeau : "un", "deux, "trois," beaucoup", c'est sûrement aussi
vieux que le langage. Mais calculer, c'est autre chose. Le mot "calcul"
vient du latin calculus, qui veut dire caillou. Lorsqu'un éleveur
envoyait un serviteur acheter des bêtes à d'un client
éloigné, ce dernier plaçait dans une urne
scellée autant de cailloux qu'il y avait de bêtes. Au
retour du serviteur, avec les bêtes et l'urne, l'éleveur
comparait leur nombre à celui des cailloux. Il savait ainsi si le
commis l'avait volé ou pas. ça n'était que de la
comparaison, une correspondance un-pour-un entre les cailloux et les
animaux. Pas encore du calcul !
Plus tard, on trouva le moyen d'écrire les nombres, de les
additionner et de les soustraire. Mais ça n'était pas si
simple. Tout dépendait du système de numération
qu'on utilisait. Essayez d'additionner MCMLXXVII et CCXXXVII ! Quant
à la multiplication, seuls quelques scribes âgés et
disposant d'une longue période de temps osaient s'y lancer.
L'invention miraculeuse de la numération de position
(décimale chez nous, mais n'importe quelle base aurait fait
l'affaire) aurait très bien pu ne jamais arriver. De même,
même après cette invention, jusqu'à la fin du
moyen-âge en fait, l'art de la multiplication était un
secret bien gardé, connu seulement de quelques initiés
(notamment les changeurs de monnaie). Il aurait très bien pu se
perdre, comme s'est perdu l'art de faire du ciment, qui était
connu des romains, puis fut perdu et redécouvert seulement au
XIXe siècle !
Quant à l'algèbre et à la géométrie,
leur invention est un petit miracle... Qui aurait pu ne jamais avoir eu
lieu.
Filtre 44) Les banques et les systèmes économiques
Je vous vois bondir : en quoi une banque est-elle une invention
nécessaire à la création d'une civilisation
technique ? Attention, je parle d'une banque, pas du crédit. Le
crédit, ou le prêt à intérêt, est
très ancien. Il permet de faire quelque chose avec des moyens que
l'on n'a pas encore. Ce qui serait impossible dans une civilisation
basée sur le troc. Certes, on pouvait dire à paysan :
"donne-moi douze œufs, même pas frais, je te payerai quand ils
auront éclos en revendant deux ou trois poussins", mais quel
paysan n'aurait pas eu l'idée de revendre lui-même les
poussins ? On pouvait dire à un maçon ou un charpentier:
"tu construis ma boutique, et je te payerai quand elle sera
terminée, avec le bénéfice de ma première
saison. Et même, je te payerai le double". Il fallait être
un peu fou pour accepter.
Ce sont les marchands lombards, au nord de l'Italie, qui ont
inventés les banques au XVe siècle. Devenus riches
grâce à la vente de céréales, ils ont eu
l'idée de se rassembler en guildes, puis de prêter de
l'argent, puis d'inventer les comptes bancaires : un client peut
déposer de l'argent à la banque et le reprendre ensuite,
éventuellement dans un autre établissement de la
même banque, ce qui évite d'avoir à transporter de
la monnaie en or ou autre. Encore mieux, ils créent la lettre de
crédit. Lorsqu'un acheteur veut payer un vendeur pour lui acheter
un bien, il lui donne un bout de papier, par lequel la banque s'engage
à payer le vendeur, sur la base d'une preuve que l'acheteur a
bien reçu son bien. L'argent se dématérialise.
Très vite, les banques prêtent de l'argent dont elles n'ont
pas la contrepartie. Encore aujourd'hui, l'argent, c'est le
crédit. Les banques actuelles ont le droit de prêter
jusqu'à quatre-vingt fois l'argent qu'elles ont sur leurs compte.
L'argent c'est le crédit.
Je pense sérieusement que, si les marchands lombards n'avaient
pas eu ces idées géniales, une civilisation capable
d'investir assez pour financer l'innovation, l'éducation, la
recherche scientifique, la conception de nouveaux produits, l'art,
l'architecture, et l'exploitation des ressources naturelles, n'aurait
pas pu exister. Le crédit bancaire permet de financer des projets
avec de l'argent que non seulement on n'a pas, mais qu'on n'aura jamais.
Toute notre économie est basée sur ce château de
cartes qui, pourtant, fonctionne.
Vous m'objecterez que ça, c'est aussi la naissance du
système capitaliste. Le capitaliste était-il
nécessaire pour l'émergence d'une civilisation capable de
naviguer dans l'espace ? Je n'en sais rien. Mais c'est possible.
D'autres systèmes économiques sont sans doute possible.
Mais sont-ils aussi efficaces ?
De la même manière qu'il existe une sélection
naturelle pour l'évolution des êtres vivants, il existe une
sélection "naturelle" des systèmes économiques :
seuls les plus forts et le plus efficaces survivent. Peut-être, un
système économique basé sur le respect de
l'environnement, sur le partage équitable des ressources, et sur
l'utilisation optimale des capacités de chacun est
également possible et efficace. Mais cela nécessite une
prise de conscience collective, cela nécessite que chacun soit
persuadé que l'intérêt général doit
primer sur les égoïsmes ataviques.
Ce n'est pas le chemin qu'à pris, jusqu'à aujourd'hui,
notre civilisation. Mais qui sait ? Peut-être les systèmes
capitalistes évoluent-ils tout droit vers leur perte (ce qui en
ferait un autre filtre). Ou bien, peut-être portent-ils en eux,
à force d'excès, les germes de cette fameuse prise de
conscience et un avenir radieux. Encore une fois, qui sait ?
Filtre 45) Pas d'obscurantisme
Dans toute l'histoire de l'homo sapiens, de tous temps, il y a eu des
religions et des fanatiques qui ont volontairement bloqué, voire
anéanti, toute forme de progrès social et toute forme de
science, en prétextant que tout le savoir nécessaire
était inscrit dans les textes sacrés et sortait uniquement
de la bouche des prophètes. Nous avons eu des âges
d'obscurantisme. Nous aurions très bien pu y rester
indéfiniment. Ce danger n'est d'ailleurs pas
écarté.
Filtre 46) Inventer la science moderne
Chercher à comprendre le monde, c'est très ancien. Mais ce
n'est pas de la science, c'était juste chercher un modèle
qui marche. Par exemple, "les étoiles sont des petits trous sur
la grande sphère du firmament, qui entoure la Terre, et
derrière cette sphère, il y a la lumière divine".
Voila un modèle. Autre exemple, on avait remarqué qu'une
barque qu'on pousse sur l'eau continue à avancer après que
la poussée cesse. On avait aussi remarqué que l'eau
formait de petits tourbillons derrière la barque. Donc
l'explication était simple : C'était les tourbillons qui
poussaient la barque ! Aujourd'hui, nous avons le concept d'inertie, et
la première loi de Newton, mais c'est encore un
modèle.
la vraie science n'existe que depuis très peu de temps, environ
trois cents ans. L'idée de base, c'est l'invention de la
théorie scientifique : un ensemble de modèles
cohérents et non contradictoires dont le pouvoir explicatif est
plus que la somme des parties. Une théorie scientifique vise
à expliquer l'ensemble des faits observables à l'aide de
modèles qui ont chacun leur domaine de validité, qui
peuvent se recouper partiellement, mais les prédictions des
modèles ne doivent jamais être en contradiction. La
physique quantique, la relativité la chimie, la biologie, la
théorie des nombres, l'astronomie, ont leur propre domaine de
validité, mais ne sont pas contradictoires.
Ce qui distingue la vraie science des pseudo-sciences comme le
créationnisme, c'est l'honnêteté : les scientifiques
doivent être conscients des limitations de leurs théories,
prendre en compte tous les faits observés, mais chercher sans
cesse à appliquer la théorie à des domaines plus
grands, à l'élargir pour en tester différentes
variantes plus générales à l'aide de comparaison
entre les prédictions et les résultats des
expériences, quitte à abandonner la théorie si elle
n'explique pas certains résultats.
Filtre 47) éviter l'autodestruction.
Ce que nous avons réussi à faire jusqu'à
maintenant. Il s'en est parfois fallu de peu. En octobre 1962 les
États-Unis et l'URSS ont failli déclencher une guerre
nucléaire pendant la crise des missiles de Cuba. Un compromis a
été obtenu par l'ambassadeur d'URSS à Washington,
Anatoly Dobrynin, quelques heures, voire quelques minutes, avant le
lancement des missiles.
Conclusion
Et oui, il a fallu tout cela pour que vous soyez devant votre
écran en train de lire ce texte ! Nous avons
échappé (jusqu'à aujourd'hui) à tous ces
filtres. Peut-être en reste-il d'autres, qui sont devant nous.
Peut-être le réchauffement climatique provoquera-t-il une
faillite générale des systèmes agricoles et
économiques, la famine et la disparition de la civilisation. Ou
peut-être pas. Peut-être existe-t-il un "grand filtre" qui a
déjà éliminé toutes les civilisations
extra-terrestres capables d'arriver jusque au même niveau que nous.
Mais c'est très peu probable. (Voir Les crises planétaires qui sont devant nous)
Toujours est-il que, moi, ça me donne de l'optimisme. Si on a
déjà passé tous ces caps, on devrait pouvoir
perdurer et évoluer encore un bon bout de temps.
Ce n'est certainement pas le cas de beaucoup d'autres planètes. En fait, il se pourrait fort bien que nous
soyons les premiers, au moins dans un large coin de la galaxie,
à avoir franchi le cap des premiers voyages dans l'espace et de
la communication par radio. Cela pourrait expliquer pourquoi nous ne
sommes parvenu à détecter aucune civilisation
extra-terrestre. Parce que, peut-être, nous sommes les premiers
à avoir réussi à passer à travers tous les
filtres. Si bien qu'un jour futur, si nous découvrons sur une
autre planète une forme de vie intelligente ou potentiellement
intelligente,, c'est sans doute nous qui seront en avance sur eux et pas
le contraire !
bravo pour ces super explications, très claires et détaillées. Je me sens plus optimiste pour l'avenir !
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