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Auteur: Serge Boisse
Date: Le 24/03/2023 à 11:03
Type: web/MOC
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Dans cette page, je vais vous démontrer que les organismes biologiques ne sont pas, loin de la, les seules entités vivantes. Il en existe d'autres, tout aussi étranges et belles que la vie organique. Et cela pose des questions philosophiques fascinantes.
Qu'est-ce qu'un système vivant ? Cela parait si simple ! Pourtant, dès qu'on cherche une définition formelle et définitive de ce qu'est un être vivant, on se heurte a des difficultés étonnantes. C'est de ces difficultés fascinantes et de leurs conséquences extraordinaires que je voudrais vous parler ici. essayons une première définition du vivant :
(à condition de se trouver dans l'environnement adéquat) :
Imaginons que ceci soit la vraie définition des systèmes vivants. Ou, si vous aimez couper les cheveux en quatre, c'est la définition des systèmes vivants que j'utiliserai dans cette page. Cette fois, c'est moi qui a l'air de couper les cheveux en quatre. Mais nous allons explorer ici de nombreux aspects du vivant que beaucoup de personnes ne considèrent pas comme appartenant à des choses vivantes. Alors je vous demande d'avoir l'esprit ouvert, et de vous souvenir de la définition du vivant qui précède et qui nous servira de guide.
Commençons par ce qui est trivial : les animaux, les végétaux, les bactéries, sont vivants au regard de notre définition.
La graine d'un arbre est-elle vivante ? Oui ! Certes, pour se reproduire elle doit germer, grandir, devenir un arbre, mais cet arbre pourra donner lieu à la production d'autres graines semblables. Si on considère un autre segment du cycle reproductif, l'arbre est lui aussi vivant puisqu'il produira des graines qui produiront d'autres arbres. De même, une poule est vivante... mais un oeuf aussi !
La sexualité introduit toutefois une difficulté : dans les espèces sexuées, un individu seul ne peut pas se reproduire : il faut l'union d'un individu mâle et d'un individu femelle (sauf en cas d'hermaphrodisme). Selon notre définition stricte, c'est le couple qui serait vivant, pas l'individu. Hum ! je ne vous sent pas près d'accepter une pareille restriction. En fait, il est très fréquent qu'un être vivant ne puisse pas se reproduire seul, mais qu'il ait besoin d'un "environnement" particulier pour se reproduire. Pour qu'un mâle se reproduise, "l'environnement" est la femelle avec laquelle il s'accouple. Donc un individu d'une espèce sexuée est vivant. Mais pas seulement : toujours selon notre définition, le couple mâle+femelle, considéré comme un tout, est également vivant. De même en fait pour tout ensemble d'individus de la même espèce, tant qu'il existe dans celui-ci au moins un représentant de chaque sexe. Vous allez me dire que je chipote. Mais en fait je ne fait que préciser le concept, parce que nous allons rencontrer tout à l'heure des êtres que personne ne considère comme vivants et qui le sont pourtant...
Mais continuons notre exploration du monde vivant.
Les virus aussi sont vivants, même si ce sont des parasites. Ils ne peuvent se reproduire que lorsqu'ils colonisent une cellule vivante et détournent à leur profit sa machinerie biologique. Hors des cellules vivantes, ils se "cristallisent" et sont semblables à des minéraux. Ils ne sont donc vivants que par intermittence. Mais un animal, après tout, est vivant même après avoir fécondé son partenaire. Au fait, un animal stérile est-il vivant ? selon notre définition, NON ! Mais nous considérons intuitivement qu'il l'est, parce que d'autres animaux de la même espèce le sont. Ce qui compterait donc, c'est que la créature vivante soit, sauf accident, capable de se reproduire.
Mais dans certaines espèces, la majorité des individus naissent incapables de se reproduire ! Chez les fourmis par exemples, seuls certains individus sont capables de reproduction, mais nous considérons que tous les représentants de l'espèce sont vivants. Mais si l'on s'en tient à la définition, les fourmis individuelles asexuées ne sont pas vivantes... à moins que l'on ne considère que "l'environnement" dont elles ont besoin pour se reproduire consiste aussi en "la reine + les fourmis mâles sexuées". Cet ensemble permet en effet de produire d'autres fourmis asexuées.
Et si alors on considère que cela est vrai, alors toute production d'un être vivant est également vivante... Même ses déchets organiques ? Et pourquoi pas ? Considérez le point de vue d'une merde : elle existe parce qu'elle a été produite par un être vivant, qui à son tour pourra se reproduire et produire d'autres merdes. L'environnement dont la merde a besoin pour se reproduire, c'est l'organisme vivant qui l'a produite. OK, c'est TRÈS tiré par les cheveux. Mais c'est une conséquence logique de la définition (pas de panique, on va l'améliorer tout à l'heure, cette définition !)
Notons que la colonie de fourmis, toute entière, est aussi un être vivant, même si elle semble constituée de parties autonomes (les fourmis) : Elle peut pourtant se reproduire et évoluer. Cela ne doit pas nous choquer : après tout, les êtres pluricellulaires, comme les humains, sont des associations de cellules dont toutes ne sont pas capables de se reproduire !
Toute partie d'un être vivant (disons : ma main) est-elle également vivante ? A priori, oui, tant qu'on ne la coupe pas du reste de l'organisme : l'environnement qu'il lui faut pour se reproduire, c'est la partie complémentaire de l'être vivant (mon corps sauf ma main). C'est a fortiori vrai pour les cellules d'un organisme qui sont donc doublement vivantes, en tant que partie de l'organisme, et en tant qu'entité capable de se dupliquer. Mais si l'on coupe une cellule en deux, cette moitié de cellule est-elle vivante ? Non : tous les produits chimiques qu'elle contient s'échapperaient et la cellule serait tuée.
L'ADN est-il vivant ? L'ADN n'est qu'une grosse molécule que l'on trouve dans le noyau des cellules vivantes.. Elle ne peut se reproduire (se dupliquer) que grâce à la machinerie chimique très complexe que l'on trouve dans une cellule. Mais voila le miracle : l'ADN peut utiliser cette machinerie pour créer d'autre cellules identiques. Donc l'ADN est vivant (dans l'environnement d'une cellule), et une cellule est bien sûr vivante également.
Et un fragment d'ADN ? On pourrait dire oui, si l'environnement de ce fragment consiste en une molécule d'ADN programmée pour dupliquer ce fragment. Non, si l'environnement du fragment consiste en autre chose qu'une molécule d'ADN complète, ou en une molécule d'ADN programmée pour ne pas dupliquer ce fragment. Mais ce n'est pas si simple.
En particulier, certains fragments d'ADN sont appelés gènes. Les gènes sont des fragments d'ADN qui portent un code, le fameux code génétique, qui spécifie une protéine que la machinerie cellulaire doit produire. Un gène est-il vivant ? La réponse est a priori la même que pour n'importe quel autre fragment d'ADN. Mais il se trouve que la machinerie cellulaire est programmée pour reproduire soit tous les gènes (dans la plupart des cas), soit seulement la moitié des gènes dans le cas d'une espèce sexuée et pour les cellules sexuelles. L'autre moitié du génome provient alors du partenaire sexuel. Et bien qu'il n'en existe pas actuellement sur terre, on pourrait très bien imaginer une espèce "tri sexuée", pour laquelle trois organismes devraient s'unir pour créer un organisme "fille", possédant un tiers du génome de chaque partenaire.
De quoi est composé l'ADN ? d'un grand nombre de molécules spéciales que l'on appelle nucléotides. Sur terre, l'ADN de toutes les créatures biologiques est en fait une une longue séquence faite avec seulement cinq sortes de nucléotides, qui sont communs à tous les organismes, et qui remontent à l'origine de la vie. Ce qui nous conduit à nous poser la question : un nucléotide est il vivant ? Oui, si l'on s'en rapporte à la définition et que l'on considère que l'environnement qui est nécessaire pour que le nucléotide se reproduise consiste en le reste de la chaîne ADN à laquelle il appartient, plus l'environnement cellulaire nécessaire à la reproduction de l'ADN lui-même. Seulement, il ne faut pas oublier le reste de la définition : un être vivant doit pouvoir se reproduire ET évoluer. Or les nucléotides sont des molécules assez simples dont la formule chimique est figée pour l'éternité. Donc les nucléotides, bien que pouvant être reproduits dans l'environnement adéquat, ne sont PAS vivants.
De même, une molécule quelconque (hors ADN et ARN) n'est pas vivante. Pour qu'une molécule soit vivante, il faut qu'elle porte un code génétique qui permette de construire une cellule qui permettra, in fine, sa duplication ET sa mutation, ou son mélange avec d'autres molécules du même genre. Seules les molécules du genre ADN ou ARN sont vivantes selon notre définition.
Et un atome ? Un atome ne peut pas se reproduire, me direz-vous. Mais il peut être fabriqué par des réactions nucléaires. Un noyau d'hélium peut être fabriqué par fusion de deux noyaux de Deutérium, ou d'un noyau de Deutérium et d'un noyau de Tritium.. Cela se produit à chaque instant au coeur du soleil. Le soleil peut-être ainsi considéré comme un environnement suffisant à la reproduction des noyaux d'hélium. Oui, mais un atome d'hélium ne peut pas muter. Il n'est donc pas vivant. Ah ! Est-certain ? Tous les atomes d'hélium ne sont pas identiques. Ils peuvent avoir des niveaux d'énergies différents (ils peuvent être ionisés par exemple, ou vibrer selon des modes différents). Seulement ces différents "modes d'existence" d'un atome sont en nombre limité. Leur variété toute relative n'est pas ce que que nous pourrions appeler le résultat d'une évolution.
Et une particule subatomique ? Certaines particules (les bosons) peuvent être dupliquées à l'identique jusque dans leur état quantique le plus intime : on crée alors ce qu'on appelle des particules intriquées. Toutefois les états d'une particule atomique sont en nombre très limités : les "mutations" ne produiront au final qu'un nombre très réduit de configurations.
Si nous tenons à ce que les atomes et les particules ne soient pas considérés comme vivants, ce qui est l'intuition commune, cela nous oblige donc à revoir un peu notre définition : .
Essayons une nouvelle définition
(à condition de se trouver dans l'environnement adéquat) :
Ah mais cette fois nous sommes trop restrictifs : Un brin d'ADN ne sera jamais infiniment long, donc il ne peut posséder une infinité de configurations, donc il n'est pas vivant. De même pour tout organisme biologique. Ça ne va pas ! Alors que diriez vous de cela :
(à condition de se trouver dans l'environnement adéquat) :
Embêtant, non ? Qu'est-ce que nous entendons par "un très grand nombre" ? Faut-il fixer une limite arbitraire, genre 10100 (Un "1" suivi de cent zéros) ? Et à quel niveau faut-il chercher ce nombre de configuration ? Faut-il le chercher dans le nombre de bits du génome, ou dans la complexité de l'organisme, et alors peut-on dire que deux organismes sont différents s'ils ne différent que par un seul atome ? C'est Évidemment absurde, nous faisons fausse route. Bon alors que diriez vous de ça :
(à condition de se trouver dans l'environnement adéquat) :
Par arbitraire, nous entendons que ce nombre n'est en théorie pas limité, bien qu'en pratique il le soit. Par exemple un brin d'ADN trop long se casserait certainement spontanément en deux, mais le principe du code génétique peut s'appliquer à des brins d'ADN arbitrairement longs. Selon cette nouvelle définition, l'ADN est vivant mais pas un petit fragment de cet ADN. Par contre un gène est vivant parce qu'un gène est un fragment d'ADN qui peut être en théorie arbitrairement long. Pas très pratique quand même, cette définition. D'autant que nous sommes toujours en butte à la difficulté de définir ce qu'on entend par "configuration".
Et puis cette définition, quoique plus restrictive que la première, permet par exemple des choses étranges. Posons nous la question suivante :
Une idée est-elle vivante ? La question n'est pas stupide : Une idée peut être verbalisée ou écrite, et transmise à une autre personne, qui la fera sienne. Elle peut donc se reproduire en "passant de cerveau en cerveau". Elle peut être modifiée lors de ce transfert, et ce nombre de modifications est essentiellement arbitraire. Donc, selon cette définition (et toutes celles qui précèdent !), une idée EST un être vivant. D'accord elle n'est pas constituée d'atomes ou de protéines, mais ce n'est nullement impliqué par la définition.
De même, certains programmes d'ordinateurs sont également vivants, selon cette définition, en particulier les virus informatiques, mais aussi tous les programmes autoreproducteurs (il en existe) .
Changeons alors de point de vue. Qu'est ce qui caractérise les différentes entités que nous considérons comme vivantes, et pas celles que le sont selon la première définition, comme une merde ? Jusqu'ici nous avons tenté de caractériser les objets vivants par leur comportement reproductif. Mais on peut aussi essayer de les caractériser par leur structure interne :
Pas mal... Mais il semble qu'il manque quelque chose. L'objet vivant, tel qu'il est décrit par cette définition, peut très bien ne pas se reproduire, ou se reproduire indéfiniment sans changer d'un iota, c'est à dire sans évoluer. Et puis, considérons un diamant : peut-on dire d'un diamant qu'il contient sous forme codée sa propre description ? Pourquoi pas, puisqu'on peut voir un diamant comme un objet unique, mais aussi comme la somme des molécules qui le composent, dont chacune a une place précise qui résulte de la forme cristalline que le diamant adopte spontanément ? En étudiant un bout minuscule d'un diamant parfait, on peut comprendre l'intégralité de sa structure, à l'atome près. Donc, le diamant est vivant selon cette définition !
Bon alors que faut-il ajouter à notre définition ? La reproduction, bien sûr.
Ah ! Cette fois on dirait qu'on tient le bon bout !
Selon cette définition, les êtres vivants biologiques rencontrés sur terre (même les virus) sont vivants. L'ADN est vivant. Un fragment d'ADN n'est pas vivant, sauf s'il s'agit précisément du gène qui code pour ledit fragment. Une merde n'est pas vivante. (Ouf !) Un atome n'est pas vivant. Une particule élémentaire du type boson pourrait être vivante (après tout on peut l'intriquer avec une autre particule quantique) si le nombre de configurations permise était arbitrairement grand, ce qui n'est pas le cas.
Un diamant ne serait pas vivant non plus. Ah mais il existe d'autres cristaux, qui , placés dans une solution "nutritive", peuvent croître et adopter des configurations arbitraires. Et il ne fait nul doute que leur configuration peut être décrite par un ensemble assez petit de nombres qui constituent leur "code génétique", présent d'ailleurs dans n'importe quel fragment. Ces cristaux SONT donc vivants.
Un programme d'ordinateur autoreproducteur serait vivant lui aussi. De même pour une machine capable de se reproduire. Certains automates cellulaires de type III (des sortes de machines informatiques très simples) sont également vivants car capables de créer des structures qui peuvent se reproduire et évoluer.
Et une idée ? Elle peut se reproduire, et le nombre de configurations n'est pas limité. Mais peut-on dire qu'elle "contient sous forme codée sa propre description" ? Oui ! Dans un cerveau humain (ou animal), une idée n'est qu'une configuration de neurones dans des états variables d'excitation : un état mental partiel. Mais si j'exprime (par exemple, oralement) cette idée, la personne qui l'entend va se trouver dans un état mental (partiel) semblable. La phrase que j'ai prononcée est donc une description codée de mon état mental partiel, celui qui correspond à cette idée. De nombreuses idées peuvent s'exprimer autrement qu'oralement, par des attitudes, des gestes, etc. Lorsqu'un singe imite un autre singe, il y a reproduction de l'idée du premier singe dans le cerveau du second. D'autant qu'on sait maintenant que les singes (et les humains, même les bébés) savent non seulement imiter les actions, mais également les intentions à l'origine de ces actions.
Richard Dawkings a inventé en 1976 le terme mème pour exprimer l'idée que les idées complexes sont peut-être des associations d'un petit nombre de "proto idées" de base qu'il a baptisées mèmes, par analogie avec les gènes, et sur la même racine que mimétisme. La mémétique est la science qui étudie les mèmes, comme la génétique étudie les gènes.
Un mème est-il vivant ? Non, car ils sont en nombre limités.
Jusqu'ici, nous avons pu trouver les entités vivantes suivantes :
En existe-t-il d'autres ? C'est ici qu'il faut avoir l'esprit ouvert, et envisager des choses encore plus étrange, que nous allons passer au crible de notre définition du vivant. En voici quelques exemples :
Un fleuve est-il vivant ? Après tout, un fleuve est toujours semblable et toujours différent. Considérez un fleuve (disons le Nil), et le même fleuve un millième de seconde plus tard : il a perdu quelques litres dans la mer, et gagné quelques litres à sa source (ou ses sources). Les autres molécules n'ont fait que se déplacer, de moins d'un dixième de millimètre. Chaque millième de seconde, il se reproduit, presque à l'identique. Maintenant, contient-il le code de sa propre structure ? Si on considère le fleuve avec ses affluents, les affluents de ses affluents, etc. jusqu'aux minuscules ruisseaux, on a évidemment une structure quasi fractale : le fleuve entier est l'image agrandie et déformée de n'importe lequel de ses affluents, que l'on peut considérer comme un code de la structure du fleuve entier. Alors, vivant ou pas ? Eh bien non, car si nous considérons la forme du fleuve dans son ensemble, elle ne change pas, ne se reproduit pas : ce n'est qu'à une échelle beaucoup plus petite que les choses bougent, de la même manière qu'un être vivant biologique (vous, par exemple), est à chaque instant toujours différent et toujours pareil, parce que sans cesse dans notre organisme des cellules meurent, quittent notre corps, ou naissent pour les remplacer. Mais nous, nous pouvons nous reproduire globalement, pas le fleuve.
Encore plus étrange : Un nombre entier est-il vivant ? Tout nombre entier peut se décomposer en un produit de facteurs premiers, qui peuvent être considérés comme un code de sa structure. En multipliant ces facteurs, on recrée le nombre (ou une copie du nombre ?) En les ajoutant, on crée un nouveau nombre (une copie modifiée) ? De même en ajoutant 1. Et le nombre de configurations est naturellement illimité. Ici, le problème est la reproduction à l'identique : on ne pense pas généralement que 2x3 est une copie de 6, mais que 2x3 est le nombre 6, qui est unique. Il ne peut pas se "reproduire". Donc le nombre 6 n'est pas vivant.
Très bien, alors considérons une suite de nombres, comme 1,3, 7, 8, 22. Ajoutons un nombre arbitraire, disons 100. Nous obtenons la suite 101,103,107,108,122 que l'on peut considérer comme une copie de la suite originale. Le code de la suite, son "génome", c'est ici la suite des différences successives : +2, +4, +1, +14. Si nous appliquons ce "génome" à n'importe quel nombre de départ (ici : 100), nous obtenons une nouvelle suite qui est la reproduction de la première (avec le même code interne +2, +4, +1, +14). En modifiant le code (par exemple +2, +4, -1, +14) nous obtenons une suite un peu différente, "mutée". Naturellement de nombreuses variantes sont possibles : au lieu de considérer seulement les différences entre deux nombres consécutifs de la suite, on peut considérer n'importe quel processus de calcul qui partant d'un nombre en produit un autre. Alors, vivante ou pas, la suite de nombres ? Cela demande un peu plus de réflexion.
L'environnement, qui permet la duplication de la suite, c'est précisément ce processus de calcul qui partant du premier nombre de la suite va engendrer le second, et partant du second va engendrer le troisième, et ainsi de suite jusqu'à avoir épuisé les termes de la suite. La suite se sert de cette machinerie pour se dupliquer 'ailleurs', exactement comme un virus se sert de la machinerie d'une cellule pour se reproduire. Il faut aussi un nombre de départ pour la nouvelle suite, mais ce nombre peut être contenu dans la suite "parente" (il ne faut pas choisir le dernier nombre de la suite parente car dans ce cas on ne crée pas une suite "fille", on ne fait qu'allonger la suite "parente". Mais tout autre nombre convient, qu'il soit contenu ou calculé à partir des termes de la suite parente).
Donc, une suite de nombre, ainsi considérée dans cet environnement un peu spécial (mais pas plus spécial que l'environnement d'un programme d'ordinateur autoreproducteur), EST bien vivante selon notre définition.
Naturellement ce qui est valable pour une suite de nombres est aussi valable pour des objets mathématiques plus complexes. En géométrie, un triangle peut être "reproduit" par symétrie par rapport à un point ou une droite, ou par homothétie. Etc, etc.
Un dernier exemple : l'esprit d'une personne. Je veux désigner par ce terme l'ensemble de configurations des neurones du cerveau qui sont nécessaires pour créer les pensées et les idées propres à une personne. Avec cette définition, un esprit est-il vivant ? Oui bien sûr puisque l'esprit est un sous produit du cerveau et que le cerveau appartient à un organisme vivant qui peut se reproduire. Un esprit humain contient-il une définition codée de sa propre configuration ? La question est débattue, mais les tenants de la thèse de l'intelligence artificielle forte pensent que le "substrat neuronal" n'est pas nécessaire pour créer un esprit pensant : les souvenirs et procédures qui caractérisent l'esprit et la personnalité peuvent (en théorie) être stockées sous forme binaire dans la mémoire d'un ordinateur. Et ça, qu'est ce que c'est sinon un code ? Si nous acceptons la thèse de l'IA forte (c'est à dire qu'il n'y a pas d'âme ou "d'influx vital"), alors les esprits, humains et animaux, sont vivants.
Ici on ne peut s'empêcher de se poser des questions : cette sixième définition du vivant est -elle vraiment bonne ? Elle semble cette fois trop "laxiste", et accepter comme "vivantes" des choses que le sens commun considère comme non vivantes. Eh bien, aussi étrange que cela puisse paraître, je crois sérieusement que cette définition est bonne, (sinon LA bonne), et que les entités que nous venons de décrire SONT vivantes. Bien sûr elles sont vivantes "dans leur monde à elles", qui n'est pas "notre monde à nous". Et alors ?
Vous me direz que les organismes vivants biologiques ne se contentent pas de se reproduire : ils arrivent aussi à maintenir la permanence de leur configuration dans un environnement parfois hostile, et ils agissent aussi sur cet environnement. Mais les êtres vivants biologiques sont au sommet d'une échelle qui part des "êtres vivants" les plus simples (les suites de nombres) pour aller jusqu'à eux.
Comment classer ces types de systèmes vivants ? On peut déjà différencier ceux qui "vivent" dans le monde matériel, et ceux qui vivent dans un monde immatériel (spirituel ?). Curieusement, on trouve quatre types d'entité vivantes dans chaque catégorie :
matériel | immatériel |
---|---|
cristaux | suites de nombres et objets mathématiques |
molécules autoreproductrices | automates cellulaires et programmes autoreproducteurs |
virus | mèmes et idées |
organismes biologiques (mono ou pluri cellulaires) | esprits |
Cette classification pose de nombreuses questions : Dans le domaine de la matière, les molécules autoreproductrices utilisent des configurations que l'on peut retrouver dans les cristaux. D'ailleurs les virus tués "cristallisent". Ces mêmes virus sont des molécules autoreproductrices. Et le organismes biologiques utilisent ces mêmes molécules. Il y a donc une hiérarchie de ces systèmes.
Dans le domaine immatériel, de même, les automates cellulaires utilisent des suites de nombres (d'ailleurs en un certain sens ils sont des suites de nombres, comme les programmes). les idées sont des sortes de programmes autoreproducteurs. Et les esprits contiennent des idées. Ils ne sont peut être même que des collections d'idées (ou de mèmes). Si l'on accepte la thèse de l'IA forte, les esprits peuvent aussi être simulés par des programmes.
Il semble donc y avoir un parallèle entre la hiérarchie des systèmes vivants matériels et immatériels. Ce parallèle va même plus loin : les cristaux peuvent être définis par des objets mathématiques. Les molécules autoreproductrices sont très semblables à des programmes autoreproducteurs. Les idées sont des sortes de "virus mentaux" : les idées "les meilleures" du point de vue reproductif (comme les religions) se propagent d'esprit en esprit en les "canibalisant". Et les esprits fonctionnent grâce aux organismes biologiques qui inversement, dès qu'ils possèdent des neurones, possèdent au moins un embryon d'esprit.
Dasn chacun des domaines, on a donc classé les entités vivantes de la plus simple à la plus complexe. Existe-t-il des formes vivantes plus simples que les cristaux et les suites de nombres ? Existe-t-il des formes vivantes plus complexes que les organismes biologiques supérieurs et les esprits humains ? Existe-t-il des formes vivantes qui ne rentrent même pas dans cette classification ? Ce n'est pas impossible. Ces questions restent ouvertes. A vous de jouer !
Commentaires (5) :
Page : [1]Le 05/10/2019 à 01h43
Le 12/09/2012 à 11h14
Si, il y a une différence de taille. La cellule vivante est animée par une bioénergie qu'elle produit elle même par une réaction chimique d'oxydoréduction à partir d'élèments qu'elle puise dans son environnement, c'est le métabolisme. Ce métabolisme assure le maintien des fonctions vitales et la reproduction. Selon votre définition, les cellules de globules rouges qui ne possèdent pas d'adn et ne peuvent se reproduire ne sont donc pas vivantes ? Elles possèdent néanmoins un métabolisme.
L'Adn n'est pas l'élément fondamental de la vie. Il y a même des théories récentes sur l'apparition de la vie très prométeuses qui montrent que l'apparition du métabolisme, c'est à dire la réaction chimique qui produit la bioénergie, est apparu bien avant la formation du gènome.
Un virus informatique peut se reproduire, intéragir avec son environnement, mais est ce qu'il peut produire lui même l'énergie dont il a besoin pour survivre à partir de son environnement ? Non donc il n'est pas vivant.
C'est pareil pour les virus, il sont porteurs d'un code génétique que la cellule va utiliser une fois qu'ils seront en elle. Mais ca ne fait pas d'eux des êtres vivants.
Le 04/07/2012 à 14h50
En particulier le fait que les virus (ADN|informatiques), et les idées... SONT parfaitement vivants !
Cependant concernant la définition elle-même, il conviendrait d'ajouter un principe du vivant qui prend de l'ampleur, cf:
Wikipédia: Autopoïèse
Le 20/09/2011 à 13h25
Tout d'abord il me semble dommage que nul part il ne soit question de la mort: un être vivant peut (doit?) par définition mourir "de manière irréversible". Ce qui élimine les cristaux me semble-t-il.
Enfin une définition peut englober n'importe quoi et on pourrait très bien définir la vie comme un phénomène avant tout matériel (ce qui est d'ailleurs souvent fait): la rubrique "immateriel" de cet article me semble être avant tout un parti pris, et n'apporte pas vraiment au débat.
Je consentirais volontiers à élargir mon propos si quelqu'un daigne répondre !
Le 27/07/2011 à 13h59
Je te suis à beaucoup de % près. Il est naturel de remettre en cause la définition actuelle de la vie, beaucoup de personnes ont du mal à voir que la définition actuelle pose de nombreuses incohérences.
Je compléterai ton raisonnement en rajoutant une définition "ultime": "Est vivant tout système en interaction". Cette définiton "supprime" l'idée de "reproduction", car en fait la reproduction n'est qu'un moyen pour permettre au système de se maintenir en équilibre, les processus de divisions cellulaires découlent de ce principe. Cette définition admet alors que tout système est "vivant". Les différences entre les différents systèmes se feront au niveau de la dynamique de leur échanges avec leur environnement.
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