Journal d'un Terrien

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SSSS
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Serge Boisse
Le 01/04/2023 à 16:04
web/MOC
oui
oui

Un voilier révolutionnaire

SSSS : The Semi Submerged Sail Ship

Un voilier semi immergé !


Voici une idée que j'avais eue en 1995 et que j'estime intéressante pour l'architecture navale et la conception de voiliers ultra rapides :

On part de la constatation suivante : un voilier (mais tout navire) rencontre deux sources principales de résistance à l'avancement :

  • La résistance de frottement dans l'eau, proportionnelle en gros au carré de la vitesse, et qui peut être diminuée en réduisant la surface mouillée,
  • La résistance de vague, qui est la plus importante à haute vitesse, et qui est due au fait que la coque du navire crée une onde, dont la longueur croît avec la vitesse, et qui en pratique limite la vitesse à celle nécessaire pour créer une onde de la longueur de la ligne de flottaison : le navire traîne alors dans l'eau une vaque de poupe dont la masse est son propre poids ! c'est dire qu'il est quasiment impossible avec une navire "classique" d'aller plus vite

En pratique la vitesse max. en noeuds (ou kts, 1 kt = 1.852 km/h) est donnée par
Vmax = 2,2 sqrt(L) où L est la longueur du navire à la ligne de flottaison, en mètres.

Trois solutions à ce problème sont classiques et connues :

  • Construire des bateaux très longs et fins : les "clippers", voiliers qui faisaient la course du thé au XIXième siècle, mesuraient jusqu'à 100m , ce qui leur permettait de faire 22 kts. Idem pour les premiers voiliers de la coupe América.
  • Faire "déjauger" le navire, c'est à dire le faire "planer" sur l'eau, solution adoptée sur les dériveurs légers, les planches à voile et les bateaux à moteur rapides, mais impraticable pour un gros navire car il faut pour faire déjauger le bateau aller à un instant donné plus vite que la limite imposée par la résistance de vague...
  • Réduire la masse apparente du bateau en l'équipant de foils, surfaces portantes actives. Ces surfaces engendrent une traînée, mais elle est égale à la masse à porter divisée par la finesse du foil, qui est en général bien supérieure à 1 (5 environ)

Ces solutions sont connues et elles fonctionnement assez bien. Ci-dessous, une vue 3D interactive d'un voilier IMOCA. Cliquez, tirez la souris, zoomez !

Mais...
Je propose ici une quatrième solution : immerger complètement la plus grosse part du navire, de manière à n'avoir au niveau de la ligne de flottaison qu'une surface insignifiante. C'est le principe du navire semi immergé (Semi submerged ship ou S3).

On voit que c'est très simple : le navire est porté par deux flotteurs immergés, dont la surface mouillée est réduite et qui n'engendrent qu'une traînée d'onde négligeable.

C'est extrêmement simple dans le principe, même si les détails sont compliqués (pbs de résistance de la structure, pb de manoeuvrabilité, pb de stabilité...).

La stabilité est ici obtenue en utilisant deux mats séparés latéralement, ce qui diminue le couple engendré par les portances des voiles.

De plus les foils, même s'ils ne participent pas ici à la portance (qui est obtenue simplement par la poussée d'Archimède sur les flotteurs immergés) sont équipés d'ailerons commandés par ordinateur et qui participent activement à la stabilisation. Il est possible qu'une très petite "vraie" coque soit nécessaire pour assurer la stabilité à faible vitesse et à l'arrêt. (dans la solution montrée ici, on suppose que la portance des flotteurs est très légèrement supérieure à la masse du navire, ce qui fait qu'il doit "plonger" partiellement pour trouver son allure de croisière).

J'estime qu'un tel navire pourrait attendre 40 nœuds en croisière. Pourquoi personne n'en n'a-t-il construit un ? Il serait sûr de gagner la transat' !


Mise à jour (Avril 2010) : J'avais ecrit ce qui précède il y a près de 10 ans, et je suis fier de voir que ce principe de bateau semi-immergé SSS a été repris pour le plus grand navire solaire jamais construit, le Tûranor PlanetSolar (25 m de long, 30 tonnes), qui vient de sortir du chantier à Kiel en Allemagne:
Le Turanor planetSolar, navire à propulsion solaire
Ce bateau solaire va bientôt partir faire le tour du monde... Joli, non ?
Le Turanor planetSolar, navire à propulsion solaire
Deux moteurs de 20 et 40 kW, 537 m2 de panneaux solaires, 46 656 batteries lithium-ion... un sacré bateau !
Le Turanor planetSolar, navire à propulsion solaire (helices)
Nouvelle mise à jour (2017) Le solar Turanor a terminé son tour du monde en 2012 :


Comparaison entre flotteurs immergés et foils

[mise à jour Mai 2019]

J'ai écrit le texte qui précède il y a près de 20 ans. Depuis, je constate il se trouve qu'aucun voilier de course n'utilise le système S4 (Semi Submerged Sail Ship), mais qu'au contraire les voiliers de course multicoque utilisent presque tous des foils, c'est à dire des sortes d'ailes qui plongent dans l'eau. Pourquoi ? Pour le comprendre, il va falloir faire quelques calculs (simples) !

Considérons une coque complètement immergée de forme allongée, comme celle d'un sous-marin sans sa tourelle. Sa résistance à l'avancement, c'est à dire la force de trainée (Drag en anglais), est, en négligeant les forces de viscosité :

D=12ρCdSv2

ρ (prononcez: rho) est la densité de l'eau (1025 Kg / m3), Cd est le coefficient de trainée (en général Cd varie entre 0,15 et 0,3 selon la forme de la coque), S est la surface frontale en m2, et v est la vitesse en m/s. Le résultat D est en Newton. Choisissons un bon Cd, soit 0,15.

Quelle est la valeur de S ? Elle dépend de la taille de notre coque immergée, qui, elle dépend de la masse qu'elle doit porter. Mais le but de cette coque est de soulever la masse M du navire ! Voyons voir : Le volume V (en mètres cubes) de la coque immergée sera égal à la masse M (En kilogrammes) du navire divisée par la densité de l'eau :
V=Mρpour un navire de 10 tonnes, V = 9.7561 m3

Pour diminuer la surface frontale S, choisissons une coque très allongée, disons, vingt fois plus longue que large. Pour une coque cylindrique (en négligeant les cônes courbes aux extémités), de diamètre d (en mètres), et donc de longueur L= 20 d, nous avons :

S=πd2/4V=20dS=5πdS=5πd3donc
d=V5π3S=π4(V5π)2/3=(πV21600)1/3=(π(Mρ)21600)13

Pour notre navire de 10 tonnes, d=0,532 m, L=17,06 m, S=0,5717 m2

Au final, nous avons pour la force de trainée :

D=12ρCd(π(Mρ)21600)13v2=0,00947M23v2si on choisit un très bon Cd de 0,15

Ainsi pour un navire de 10 tonnes (10 000 Kg), la trainée D sera, sachant qu'un noeud vaut 0.514444 m/s :

Ainsi, à une vitesse de 10kt, la force de trainée de notre bateau semi immergé de 10 tonnes sera de 1161 N; à une vitesse de 20kt, elle sera déjà de 4648 N ; et à 30kt, la trainée sera de 10463 N, soit plus de 10% du poids du bateau !

Comparaison avec un hydrofoil

Sur un voilier, les hydrofoils ont un double rôle : ils doivent soulever le bateau hors de l'eau (le faire "déjeauger"), et contrebalancer la dérive due au vent. Nous ne nous intéressons ici qu'à la composante verticale de la force, qui doit soulever le poids du bateau. Nous considérerons ici des foils inclinés à 45°, dont une partie se trouve sous l'eau (et assure la portance), le reste étant hors de l'eau, Ces foils ont un énorme avantage sur la coque immergée S4 décrite plus haut : lorsque la vitesse augmente, la poussée verticale par unité de surface augmente aussi, mais comme le poids du bateau reste constant, le foil se soulève, et sort de plus en plus de l'eau, ce qui diminue d'autant sa surface mouillée totale. En fait, la trainée d'un foil dont le seul but serait de soulever le reste du bateau hors de l'eau reste constante quelle que soit la vitesse ! Ce n'est pas tout à fait vrai car en plus de la portance il y a toujours une trainée induite par l'épaisseur du foil qui, elle, est proportionnelle au carré de la vitesse. mais les foils modernes sont très fins et leur surface frontale S est très faible. Disons S= 0,2 m2 pour un bateau de 10 tonnes dans l'équation (1)

Ce qui compte, c'est le rapport portance/trainée du foil, qui est constant quelle que soit la vitesse. Ce rapport dépend de la forme de la section du foil. Les foils standards (NACA) ont des rapport portance/trainée d'environ 100 ! Mais attention, comme le foil est incliné à 45°, il faut une portance 2M
pour soulever un bateau de masse M.

Au final, la trainée induite par notre foil vaut :
D=Mg2100+12ρSv2=9,81M100+15,37v2

avec S=0,2 m2 et Cd = 0,15

Comparons :

Le constat est sans appel : Dès que la vitesse dépasse 14 noeuds, le foil a l'avantage sur le S4 ! A 30 kt, ils traînent deux fois moins ! Et voila pourquoi les voiliers multicoques de course sont tous équipés de foils et non de flotteurs immergés... Ceci dit pour un bateau très lourd, le SSSS reste la meilleure solution.

Dernières nouvelles (mai 2020):

A voir la photo ci-dessous, qui montre ce à quoi pourrait ressembler le troisième (futur) porte-avion chinois, il semble que les chinois m'aient piqué l'idée...

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Commentaires

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Commentaires () :

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