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http://sboisse.free.fr/philosophie/immortalite-est-elle-possible.php
Auteur: Serge Boisse
Date: Le 30/03/2023 à 19:03
Type: web/MOC
Tags: société,biologie,immortalité
pub: oui
commentaires: oui
Oui ! Mais pas comme vous le pensez. Dans cette page, nous allons considérer l'immortalité comme un problème à résoudre : est-il possible, aujourd'hui ou dans un avenir pas trop lointain, de devenir immortels ? Et est-ce souhaitable ? Cet article fait, pour la première fois je crois, un point complet et scientifique sur la question de l'immortalité. Attention, cet article est très long, parce qu'il passe le sujet en revue sous tous les angles possibles !
Évacuons de suite la "solution" religieuse de la résurrection. La résurrection, je n'y crois pas et je pense que Jésus n'a pas été ressuscité, ni n'a ressuscité Lazare. Lui et ses amis étaient par contre de très habiles manipulateurs, sans compter que l'histoire de leur vie a été complètement remaniée au 4e siècle (concile de Nicée) par des gens encore plus manipulateurs, et que toute trace des évangiles originaux qui ne parle pas de résurrection a été volontairement supprimée, modifiée ou expurgée. Enfin ça, c'est mon avis. Vous pouvez en avoir un différent, pas de problème !
Quant à la réincarnation, concept prôné par certaines religions, ce n'est pas de l'immortalité au sens que j'entends discuter dans cet article : si l'on adhère à ce concept, l'être réincarné ne conserve aucun souvenir de sa supposée "existence passée", seulement la même morale, la même éthique, et éventuellement la même "personnalité", dans un sens restrictif qui signifie en fait "les même désirs et craintes". Dans cet article, j'entends discuter de la possibilité (ou pas) de conserver indéfiniment non seulement la personnalité au sens précédent, mais aussi l'intégralité des souvenirs, des connaissances, et des savoir-faire, et en fait de préserver la continuité de la pensée et de la conscience. C'est très différent !
Ce qui est nouveau, c'est que l'être humain, en ce 21e siècle, se prend pour Dieu. Nous assistons actuellement à l'émergence d'un athéisme d'un genre nouveau. Son but avoué est de devenir la nouvelle religion du genre humain et, non seulement de remplacer Dieu, mais de le réaliser. Dans ce cadre, la quête de l'immortalité, aidée par la technologie, devient une possibilité, et, ce qui est également nouveau, une possibilité désirable.
Mais, l'immortalité, ça n'est pas un concept unique. Au contraire, il y a cinq sortes d'immortalité possibles !
Voyons voir ça :
La question ici est : peut-on trouver un remède miracle contre le vieillissement, au point de le stopper complètement ? Peut-on améliorer notre corps pour qu'il vive indéfiniment ?
Le 16 mai, le New York Times rapportait qu'à Seattle, l'Université de Washington testait sur des chiens une molécule capable de retarder la vieillesse : la rapamycine. Dès 2009, des expériences ont démontré que la substance rallongeait de 25 % l'existence des souris de laboratoire tout en diminuant la vulnérabilité aux maladies. Problème, le produit comporte des effets secondaires pas franchement bénins. En testant la molécule sur des chiens, les chercheurs essaient de trouver des dérivés sans effets secondaires, sur un animal plus proche de l'homme.
En France, Jean-Marc Lemaître, directeur de recherche à l'Inserm, connaît bien le sujet : "la rapamycine, ou la metformine, une molécule déjà utilisée contre le diabète et qui a aussi un effet anti-cancer, pourraient avoir un effet plus général sur le vieillissement. Leur avantage, c'est qu'il s'agit déjà de médicaments, donc elles sont commercialisables rapidement. Aux États-Unis, on trouve certaines molécules du même type vendues en compléments alimentaires."
Les molécules qui ralentissent les effets de l'âge ne sont qu'une des voies de ce champ de recherche. Très prometteuse, la thérapie cellulaire permet de remplacer ou de stimuler des cellules en mauvais état afin d'offrir au corps une cure de jouvence. Les scientifiques seront même capables de recréer des organes à partir de simples cellules, qu'ils reprogrammeront en cellules souches. Celles-ci pourront ensuite être différenciées puis greffées aux patients afin de corriger certaines pathologies liées à l'âge.
Depuis quelques année, des personnalités fortunées investissent massivement dans le recherche sur la régénération cellulaire. Selon l'informaticien et chercheur en biotechnologies anglais Aubrey de Grey, cofondateur de la fondation Mathusalem, la première personne à vivre mille ans est déjà née.
Peter Thiel, une des vedettes de la Silicon Valley, investisseur dans Facebook, n'a pas hésité à donner 3,5 millions de dollars. Cette somme sert à doter le "prix de la Souris" de la fondation Mathusalem. Même si l'immortalité n'est pas pour tout de suite, les promesses font vendre ! C'est devenu un vrai business !
Le milliardaire russe, Dmitry Itskov a lancé un programme pour trouver la formule de la vie éternelle. Et il affirme même que cet objectif sera atteint en 2045 (pour un petit nombre de gens très riches).
Le projet d'Itskov, "projet Avatar", est toutefois un peu nébuleux :
Itskov a contacté une foule d'autres milliardaires pour soutenir son projet. Vous pouvez aller jeter un oeil sur son site : 2045.com (en anglais)
Le directeur de l'ingénierie de Google pense lui aussi pouvoir "tuer la mort". En septembre 2013, Google a dévoilé son dernier projet en date, Calico (California Life Company), soutenu par Larry Page, 24e personnalité la plus riche de la planète. Commentaire du PDG et cofondateur du groupe avec Sergueï Brin : "Ces problèmes nous affectent tous, de la diminution de notre mobilité et de notre agilité mentale survenant avec l'âge, aux maladies mortelles, qui font payer un lourd tribut aux familles. Et même si c'est clairement un pari sur le long terme, nous pensons pouvoir faire de grands progrès dans des délais raisonnables."
Calico est pilotée par Arthur Levinson, ancien dirigeant de Genentech, l'une des plus grandes entreprises de biotechnologie.
L'idée est de trouver une thérapie visant à supprimer les cellules sénescentes. Les cellules sénescentes apparaissent en cas de dommages et sont capables de lancer la cicatrisation ou la régénération, mais sont ensuite éliminées par le corps pour ne pas lui nuire. Avec l'âge, elles s'accumulent dans l'organisme quand notre système immunitaire devient moins efficace. Une thérapie ciblée ou la réactivation de notre système immunitaire offriraient un bénéfice considérable sur l'apparition des pathologies liées à l'âge et sur la longévité elle-même.
Une nouvelle compagnie, Scéil ("histoire" en gaélique), filiale de la société française de biotechnologie Cellectis, propose de conserver dès aujourd'hui un morceau de soi, plus exactement des cellules de peau prélevées généralement sous les aisselles. Transformées en quasi-cellules souches embryonnaires, elles sont congelées et conservées jusqu'à ce qu'il soit possible de les cultiver à loisir pour réaliser, peut-être un jour, des organes neufs en remplacement de ceux qui se montreraient défectueux.
Pour bénéficier de ce service de régénération, encore faut-il pouvoir débourser 65000 dollars (47600 euros) pour un "stockage" de dix ans et 85 000 dollars (62200 euros) pour toute la vie. "Nous ne promettons pas l'immortalité mais une sorte d'assurance, sans garantir quoi que ce soit", précise, prudemment, une porte-parole du groupe. D'ailleurs, stocker soi-même son patrimoine génétique est interdit en France. Scéil est donc implantée à Dubaï et à Singapour...
Alors, toutes ces tentatives ont elles une chance de succès ? Il est certain que l'évolution de nos gènes n'a pas programmé nos corps pour vivre éternellement, mais seulement pour survivre jusqu'à pouvoir se reproduire. Donc le corps humain est certainement améliorable en ce qui concerne sa capacité à vivre plus longtemps. 150 ans au moins, probablement. Mais l'immortalité, c'est un autre challenge !
La voie biologique ne me semble pas la bonne solution pour accéder à l'immortalité (si tant est qu'il y ait une "bonne" solution, mes direz-vous). Il y en a une ! Continuez à lire !
La cryogénisation, c'est la congélation du corps d'un individu récemment décédé, et sa conservation en attendant un jour hypothétique où les progrès de la médecine et de la (nano)technologie permettront de réparer ce corps et de le ramener à la vie. C'est le thème du film Vanilla Sky [Blu-ray] , avec Tom Cruise (un très bon film, ceci dit).
Ne confondons pas la cryogénisation avec l'hibernation artificielle, comme celle que l'on voit dans de nombreux films de SF, depuis 2001, l'odyssée de l'espace jusqu'à Passengers (excellent film) dans laquelle le métabolisme est seulement très ralenti, mais pas arrêté. Avec la cryogénisation, le corps est complètement gelé à -180 degrés.
C'est encore un milliardaire, le canadien Robert Miller, créateur de l'un des plus grands réseaux de distribution de biens électroniques, DFS, qui s'intéresse le plus à ce sujet. L'homme finance la fondation Alcor, lancée en 1972. Cet organisme propose à ses membres de conserver leur corps, ou uniquement leur cerveau, en cryogénisation pour un montant minimal de 200000 dollars en attendant de pouvoir jouir des fruits de la recherche. Accueillant déjà quelque 118 "patients" dans des caissons à basse température, Alcor compte, à ce jour, près de 1000 membres, dont plusieurs célébrités - un producteur, un sportif et, bien sûr, des chercheurs.
S'agit-il réellement d'immortalité ? J'en doute. La cryogénisation est une technique très violente : l'eau contenue dans les cellules gèle et gonfle, les parois cellulaires sont détruites. Reconstituer des cellules fonctionnelles à partir de ces débris semble assez utopique. Et puis, il y a le problème de la radioactivité.
Vous ne le savez peut-être pas, mais notre corps contient des milliards d'atome radioactifs. Cette radioactivité, 100% naturelle, est très faible et n'est pas dangereuse, en effet tant que nous sommes en vie, les cellules qui meurent sont constamment remplacées par d'autres. Pratiquement toutes les cellules de votre corps sont ainsi renouvelées en quelques dizaines d'années. Mais si vous être cryogénisé, la radioactivité reste présente et son effet est cumulatif. En moins d'un siècle, ce qui reste de la structure de vos cellules s'est transformé en un magma informe.
Donc, en conclusion provisoire, la cryogénisation, je n'y crois pas.
Qu'est-ce qu'un cyborg ? Un être mi-humain, mi-machine. Dit comme cela, ça sent la mauvaise science-fiction, style L'homme qui valait trois milliards, ou Robocop. Mais dans le cadre de cet article, la question qui nous intéresse est : jusqu'à quel point peut-on remplacer des organes, ou partie d'organes, par des artefact technologiques, tout en préservant l'individualité ?
Remplacer un bras, une jambe, un poumon, un oeil ou un coeur, par un organe artificiel, cela semble du domaine du possible, au moins en théorie. Encore que, concernant justement le bras, la jambe, et l'oeil, le problème est de connecter le nouvel organe artificiel au cerveau, ou du moins aux nerfs moteurs et sensoriels. Ça, c'est nettement plus complexe. Mais il n'est pas utopique de penser que dans un avenir plus ou moins proche, on saura réaliser une "sutureuse de réseaux nerveux", une machine capable de convertir les impulsions électro-chimiques de nos nerfs en messages informatiques et vice-versa. Théoriquement, ce n'est pas impossible.
Des implants rétiniens artificiels existent déjà pour permettre à des aveugles de "voir", même si c'est encore très flou. Des tentatives pour connecter des bras robotiques aux nerfs d'un patient amputé ont déjà été faites. Il est probable que ces implants s'amélioreront rapidement, pour atteindre un degré de perfection tel que l'oeil artificiel sera, d'ici une ou deux décennies, supérieur à l'original.
Eh, minute ! Jusqu'à présent, nous parlions de remplacer un organe biologique par un organe artificiel, pas de l'améliorer ! Eh oui, mais l'être humain est ainsi fait qu'il est perpétuellement insatisfait, et pourquoi ne serait-il pas insatisfait de ce corps, qu'une évolution uniquement axée sur la reproduction des gènes lui a légué ? Hum ! Penser ainsi, c'est adhérer à l'idéologie transhumaniste, et cela, c'est un grand pas à franchir. Nous en parlerons plus bas.
Bon. Supposons, je dis bien supposons, que tous les organes de notre corps pourraient un jour être remplacés par des organes artificiels au moins aussi performants. Mais qu'en est-il du cerveau ?
Le cerveau, organe de notre pensée, semble difficilement remplaçable par une machine ! C'est pourquoi les étapes A et B du programme "avatar" d'Itskov (ci-dessus) éludent le problème, qui fait l'objet de l'étape C. Mais réfléchissons. Si nous adoptons un point de vue "mécaniste" comme quoi les merveilleuses fonctions du cerveau ne sont que le résultat de l'interaction de centaines de milliards de neurones et de leur très complexe interconnexions, et si nous pensons que chaque neurone n'est au fond qu'un algorithme qui peut être simulé sur ordinateur, alors, nous ne sommes pas très loin de penser que le cerveau lui-même peut être remplacé, ou au moins simulé lui aussi ! Dans mon livre "L'esprit et la machine", je décris très précisément comment notre cerveau fonctionne, et comment un ordinateur pourrait être programmé pour réaliser toutes les fonctions du cerveau, en créant ainsi une intelligence artificielle véritable, consciente et sensible.
Oui, mais reproduire (simuler) non pas "le fonctionnement du cerveau" mais "un cerveau en particulier" (le mien, par exemple), c'est un tout autre problème ! Il faudrait reproduire en détail, dans un ordinateur, l'intégralité des processus physico-chimiques qui ont lieu dans mon cerveau. Est-ce possible ?
Imaginons l'expérience suivante : un scientifique vous dit qu'il a réussi à fabriquer un neurone artificiel, électronique, extrêmement miniaturisé (de la taille d'un neurone biologique), et capable de recevoir et de transmettre les mêmes signaux électrochimiques qu'un neurone naturel. Ce neurone électronique est de plus ultra fiable, il est autonome, et il aura une durée de vie de plusieurs siècles ! Le scientifique vous propose d'ouvrir votre crâne et de replacer l'un des neurones de votre cortex par ce neurone artificiel. Il vous certifie qu'après cette substitution, une fois qu'il aura refermé votre boîte crânienne, vous ne sentirez aucune différence. Vous acceptez, ou pas ?
Vous vous dites qu'il est très improbable que l'altération d'un seul neurone modifie votre façon de penser, ou vos souvenirs, de façon perceptible. Dans le cours de notre vie, des tas de neurones se dérèglent, ou même meurent, et cela n'a en général pas de conséquences sur votre personnalité (tant que leur nombre n'est pas trop élevé). Vous acceptez !
Et effectivement, après l'opération, vous vous sentez parfaitement normal. Qu'est-ce que cela prouve ?
Pas grand chose : en effet, le neurone électronique reproduit sans doute le fonctionnement d'un neurone naturel "typique", mais a-t-il réussi à reproduire exactement le fonctionnement du neurone biologique qu'il a remplacé ? Un neurone n'est pas juste un système qui réagit uniquement aux signaux d'entrées instantanés : il possède un état interne, que l'on peut assimiler à une micro mémoire (il en va de même d'ailleurs pour les connexions du neurone à ses voisins : les synapses) ; à tout instant les signaux émis par un vrai neurone vers ses voisins dépendent non seulement des entrées reçues, mais aussi de son état interne, et celui ci était inconnu au moment du remplacement.
Le scientifique vous dit alors qu'il a réussi à fabriquer un scanner ultra précis, qui est capable de détecter à distance les signaux reçus et émis en temps réel par certains neurones de votre cerveau. Il vous propose alors de scanner pendant 24h un groupe 10 000 neurones de votre cortex, et d'ajuster le comportement de 10 000 neurones artificiels jusqu'à ce qu'ils soient des clones parfaits de vos "vrais" neurones, c'est à dire qu'ils simulent parfaitement leurs interactions. Puis il remplacera vos 10 000 vrais neurones par leur "copie" électronique. Vous acceptez, ou pas ?
Vous hésitez, c'est normal ! Mais vous vous dites que puisque les nouveaux neurones auront un comportement parfaitement identique aux anciens, et que de plus ils fonctionneront pendant des siècles, vous avez tout à y gagner. Vous acceptez à nouveau, et après l'opération, vous constatez (et le scientifique constate aussi, à l'aide de son scanner) que tout va bien, il n'y a aucune différence.
Notons au passage que l'idée du cyborg va plus loin que le simple remplacement de parties du corps ou du cerveau par leur équivalent mécanique ou électronique : on parle ici d'amélioration, et pas seulement de remplacement. Nous pouvons imaginer, un jour, que nous seront capables de créer des implants cervicaux, des dispositifs implantés qui communiqueront directement avec nos neurones et qui ajouteront à notre cerveau des fonctions qui n'existent pas aujourd'hui. Que diriez vous d'un ordinateur implanté ? D'une mémoire parfaite, qui enregistrerait toutes vos sensations, et pourrait les reproduire à volonté ? En acceptant ces concepts nous dérivons encore une fois vers l'idéologie transhumaniste, l'idée que l'être humain peut être amélioré...
Mais revenons à nos moutons. Le scientifique vous fait une nouvelle proposition : puisque tout a si bien marché avec 10 000 neurones, pourquoi pas dix milliards ? Et pourquoi pas votre cerveau tout entier, en remplaçant progressivement tous vos neurones biologiques par des neurones électroniques, parfaitement identiques au point de vue fonctionnalité et comportement ?
Ouh la ! Cela semble, cette fois, bien plus dur à avaler. Mais pourquoi, exactement ? Ce que le scientifique est en train de vous proposer porte un nom, le transfert de Moravec, du nom de Hans Moravec, un professeur de robotique à l'université Carnegie Mellon. en Pennsylvanie. En anglais on parle de "mind uploading", ou simplement "upload", "téléchargement de l'esprit". Ce sujet est également traité en détail dans livre "L'esprit et la machine".
Reste le problème philosophique : qu'est ce que l'esprit humain ? Peut-on réduire notre esprit au fonctionnement des neurones ? Et l'âme, dans tout ça ? Ces questions n'ont pas encore de réponse (j'en parle aussi dans mon livre). Ce qui est nouveau, c'est qu'on peut maintenant suggérer une approche expérimentale : en remplaçant (chez les animaux, puis chez l'homme) des neurones biologiques par des neurones artificiels (ou simulés sur ordinateur), on pourrait progressivement approcher d'une réponse claire.
Je ne vais pas vous dire tout ce suite ce que j'en pense. Nous en reparlerons plus loin.
Mais auparavant, je vous propose un petit détour par le... vampirisme; Eh oui !
Dans son roman Les Vampires de l'espace (excellent livre, malgré son titre très série B), l'écrivain Colin Wilson décrit une race d'extra-terrestres très semblables aux humains, mais capables, par télépathie, d'aspirer "l'énergie vitale" des humains. En allant un peu plus loin, on peut imaginer des êtres capables d'envahir l'esprit d'un autre être (humain), et d'en prendre totalement le contrôle. Dans le film Dans la peau de John Malkovich, (encore un très bon film), un homme découvre par hasard l'existence d'un moyen de passer, à volonté, quinze minutes à l'intérieur de l'acteur américain John Malkovich. Et dans les histoires de vampires, si l'on évacue le folklore (suceurs de sang etc.), reste l'idée que les vampires sont capables de parasiter le corps et l'esprit d'un autre être humain. Et les vampires, comme chacun sait, sont immortels. Mais ils le sont, non parce que leur corps est immortel (ce qu'il n'est pas), mais parce qu'en passant dans le corps d'un autre humain plus jeune et en le parasitant (ou vampirisant !) ils rajeunissent automatiquement de ce fait.
Bon, il ne faut pas prendre ces histoires au sérieux. Si j'en parle ici, c'est parce que l'idée de cloner son propre corps (en plus jeune) et de "transférer" son esprit dans ce nouveau corps ne semble pas plus délirante que l'idée de télécharger son esprit dans un ordinateur. C'est peut-être même plus facile parce que le nouveau cerveau aurait la même architecture que l'original.
Outre les problèmes éthiques que cela suppose (le clone a-t-il une conscience, et est-il moral de créer des clones pour les parasiter ensuite ?), les problèmes techniques à résoudre sont bien entendu immenses. Mais la nanotechnologie pourrait nous aider. Si nous en croyons ses fondateurs, comme Eric Drexler, il sera sans doute un jour possible de créer des nano-dispositifs incroyablement miniaturisés qui pourraient directement être injectés dans notre cerveau, identifier certains neurones, s'y attacher, et les étudier, voire les remplacer. C'est très utopique, mais ce n'est pas impossible a priori. Le transfert de Moravec (cf. plus haut) sera peut-être un jour une réalité.
Je crois que cette fois nous sommes prêts pour parler du transhumanisme !
Le transhumanisme, c'est l'idée que l'esprit humain peut être séparé du corps biologique (au moyen d'une technologie adéquate), et que donc ce qui importe c'est la survie de l'esprit (ou de l'âme, si vous préférez), peu importe dans quel "corps" cet esprit survit. Je mets ici "corps" entre guillemets parce que les transhumanistes pensent que le corps humain tel qu'il existe actuellement en tant que résultat d'une évolution axée uniquement sur la survie des gènes n'est certainement pas idéal (entre autres, il est mortel), et qu'un corps amélioré, robotisé, voire virtualisé, serait certainement "meilleur".
Un corps virtualisé ? Qu'est-ce donc ? Eh bien, supposons que nous soyons un jour capables de réaliser ce qu'on appelle "l'upload", ou téléchargement de l'esprit (c'est à dire, pour les transhumanistes, les fonctions de nos neurones) dans un système électronique ou un ordinateur. (voir plus haut la discussion sur les cyborgs)
Aurons-nous à ce moment-là vraiment besoin d'un corps robot ? Pourquoi pas ne vivre alors que dans un environnement virtuel, simulé ? Pourquoi ne pas imaginer toute une civilisation vivant à l'intérieur d'un ordinateur fantastiquement puissant, immortels (tant que l'ordinateur fonctionnera), libérés des contraintes de la chair ? Plus aucun risque de surpopulation, dans un monde virtuel il y a toute la place que vous voulez !
Il y a même tout le temps que vous voulez : Selon les tenants de la nanotechnologie (encore), on pourra un jour construire des nano-ordinateurs pas plus gros qu'une noisette, et si puissants qu'il pourraient simuler les pensées ,les sensations, et les interactions de milliards d'individus pendant un siècle... à chaque seconde.
Les transhumanistes vont encore plus loin. Selon eux, le futur de l'humanité est là : tous les humains (désireux de le faire) se transféreront par la procédure d'upload dans un monde virtuel qu'ils pourront façonner à leur guise à volonté, comme des magiciens surpuissants. Immortels, ils n'auront pas peur des distances qui nous séparent des étoiles et ils exploreront l'univers. (Pour éviter l'ennui du voyage interstellaire de leur ordinateur-hôte qui pourrait durer plusieurs siècles, il suffit de le mettre en mode pause pendant ce temps : pour eux, le voyage sera instantané).
Mieux, étant capables de comprendre leur propre esprit virtuel, ils pourront l'améliorer à volonté. Les transhumanistes parlent de super-humains, de super-intelligence. Ils pourraient disposer de modalités sensorielles nouvelles, de connexion directe entre leur esprit et la matière, ils pourraient se dupliquer à volonté (ce qui n'est pas sans poser quelques questions philosophiques très intéressantes).
Les possibilités sont sans limites. Ces nouveaux humains "uploadés" ne seront probablement plus des humains. Je décris aussi cela dans mon livre.
Revenons sur Terre. Disposer d'une nano-technologie aussi évoluée, permettant l'upload et le transfert de Moravec, ce n'est pas pour demain.
Ou peut-être que si ! L'une des solutions c'est en effet l'IA. Si nous parvenons un jour à créer une intelligence artificielle générale, consciente, et amicale envers les humains (j'insiste lourdement sur ce point dans mon livre), elle pourra nous aider à créer cette technologie si incroyablement futuriste. Il s'agit en fait d'une suite logique à la loi de Moore, qui prédit un doublement de la puissance des ordinateurs tous les deux ans. Si les concepteurs de ces ordinateurs sont eux-même des ordinateurs (munis de l'IA adéquate), alors cela peut encore s'accélérer. A la différence d'un cerveau humain, en effet, une IA peut parfaitement s'améliorer elle-même, se reconstruire (en plus rapide et plus efficace), et recommencer. Il n'y a pas de limite.
Tout cela donne le vertige. Essayons de prendre un peu de recul, et interrogeons-nous : ces nouvelles possibilités de transcender le corps biologique, et même l'âme, ne changent-elles pas complètement notre conception de la vie, de la mort, et de l'humanité ? Bien sûr que si !
A notre époque, nous rabâchent les sociologues, la mort n’a plus sa place en société. Le diagnostic est massif et manque une rupture significative. Nous sommes passés de la mort "apprivoisée" (c’est-à-dire une mort acceptée, dont on parle et objet de ritualisation jusqu’au début du 20e siècle) à une mort « interdite » (érigée en tabou après la deuxième Guerre mondiale), puis à une mort "individualisée" ; c'est désormais à chacun de choisir s'il veut mourir vite ou pas (la question de l'euthanasie des personnes en grande souffrance), de décider ce que doivent devenir nos organes, comment nos proches devront réagir. Et nous assistons à la résurgence du fantasme d'immortalité.
Épicure, penseur matérialiste et qualifié d'athée, disait : "la vie la meilleure n'est pas la plus longue, mais la plus sage des vies". Oui, mais c'était il y deux mille ans. A tort ou à raison, nous ne pensons plus la même chose aujourd'hui.
Autrefois, la seule manière d'accéder à l'immortalité, c'était de croire à "la vie après la mort". Ou bien de léguer une oeuvre artistique ou autre, crée de notre vivant, ou une action d'éclat, "à la postérité". Mais désormais, c'est l'immortalité de nos corps même, ou au moins celle de notre esprit, qui nous semble, atteignable grâce à la technologie. Dans notre société de plus en plus individualiste, vous voulons tout maîtriser, non seulement notre vie, mais aussi notre mort.
Objection, nous disent certains philosophes, comme Jean-Sébastien Philippart :
L’homme est un être fini (mortel) traversé par quelque chose d’infini (qui motive son désir d’infini) que certains appellent « Dieu », d’autres « l’Etre », d’autres encore « l’Amour », « l’Humanité », « le Génie », « la Vie »… Occultez l’un des deux aspects (finitude et infinitude) et l’homme se déshumanise par le bas ou par le haut. Enfermé dans sa finitude, c’est-à-dire coupé du mystère (ce qui le dépasse), l’homme s’effondre parce qu’il ne désire plus, faute de rêve. Absorbé dans l’extase du mystère (infinitude), l’homme ne s’engage plus en rien : il n’est pris que de ce vertige de l’infini susceptible de se traduire en un besoin de destruction.
Je suis à la fois d'accord et pas d'accord avec ce propos. L'être humain en tant que tel ne serait plus humain s'il devenait immortel. Mais cela ne signifiera pas qu'il sera plus mauvais, bien au contraire. Nous devons penser l'immortalité non en tant qu'humains, mais en tant que post-humains.
Selon la mythologie Grecque, le très rusé Sisyphe, roi de Corinthe, réussit à déjouer Thanatos, le Dieu de la mort. Lorsque le génie de la Mort vint le chercher, Sisyphe lui proposa de lui montrer l'une de ses inventions : des menottes. Il enchaîna Thanatos, si bien que ce dernier ne put l'emporter aux Enfers. Thanatos prisonnier, plus personne ne mourait. L'affaire tournait à la catastrophe démographique car la terre allait regorger d'humains.
S'apercevant que plus personne ne mourait, Zeus envoya Hadès délivrer Thanatos et emmener Sisyphe aux Enfers. Mais Sisyphe avait préalablement convaincu sa femme de ne pas lui faire de funérailles adéquates. Il put ainsi convaincre Hadès de le laisser repartir chez les vivants pour régler ce problème. Une fois revenu à Corinthe, il refusa de retourner parmi les morts. Hermès dut alors venir le chercher de force. Pour avoir osé défier les dieux, Sisyphe fut condamné, dans le Tartare, à faire rouler éternellement jusqu'en haut d'une colline un rocher qui en redescendait chaque fois avant de parvenir au sommet (Odyssée, chant XI).
En s’imaginant une vie immortelle, le sens commun pressent spontanément l’ennui effroyable que cela représenterait « effectivement ». Et c’est peut-être là l’une des définitions mêmes de Dieu que d’être le seul être à pouvoir endurer l’éternité sans en souffrir.
Mais je crois que le sens commun a tort. Imaginer une immortalité dans le même corps que celui que nous avons (et qui simplement ne vieillirait plus), c'est aussi risible que si nous décrivions une formule 1 à un romain et qu'il imaginait un char avec des roues en pierres.
Comme nous l'avons vu, la voie biologique est une voie possible pour accéder à l'immortalité, mais elle n'est pas la seule. Elle n'est certainement pas d'ailleurs la plus souhaitable : une immortalité pour tous engendrerait immanquablement une surpopulation terrifiante, comme dans le mythe de Sisyphe. Mais ce n'est pas ce qui se passera :Un tel pouvoir sera immanquablement accaparé par une minorité de gens forcément très riches et très probablement pas altruistes pour un sou. Les gens ordinaires, les mortels, seront réduits en esclavage par les immortels. Je ne crois pas que nous voulions un tel monde.
Mais la voie biologique (ou cyber-biologique) n'est pas la seule. L'upload est aussi une voie vers l'immortalité. Dans cette voie, je ne vois que des avantages. Pas de surpopulation dans un monde virtuel. La puissance de l'esprit humain ne sera limité que par la puissance de calcul de nos nano-machines, mais celle ci est potentiellement immense. ("il y a plein de place en bas", disait le célèbre physicien Richard Feynmann, en parlant de l'échelle des atomes et des particules, comparée à la notre)
Certains philosophes à commencer par Epicure lu-même, ont émis l'idée que vivre éternellement serait s'exposer à un ennui tout aussi éternel. Cette idée issue d'une pensée qui ne pouvait concevoir que la seule immortalité par la voie biologique. Mais dans le cas de l'immortalité par l'upload, c'est toute une civilisation, disposant de ressources illimités et de pouvoirs tout aussi illimités, qui serait immortelle. L'ennui n'est pas une option.
Ce qui est certain, c'est qu'un être immortel serait extrêmement prudent. Mais qui suis-je, pour dire cela ? Nous nous pouvons pas imaginer ce que sera la super-intelligence, pas plus qu'un rat ne peut imaginer un vaisseau spatial. Nous sommes du mauvais coté de la barrière, celui des idiots. Nous pouvons juste avoir quelques idées, en sachant qu'elles seront probablement complètement à coté de la plaque.
La grande question est :
Lisez mon livre. et vous le saurez !
(Ou du moins vous en aurez une idée pas complètement à coté de la plaque )
Commentaires (16) :
Page : [1] 2Le 01/02/2020 à 22h12
Le 12/04/2019 à 20h26
Le 16/03/2019 à 10h36
Le 13/02/2019 à 06h23
Théorème : Tout individu est immortel à lui-même, c'est-à-dire immortel de son propre point de vue.
Preuve : L'immortalité est le fait de n'avoir ni fin ni commencement. Or, (a) nul individu ne peut observer (au sens extrêmement général) son commencement, car ses sens naissent après ou au moment même de son commencement. Et, (b) nul individu ne peut observer sa fin, car à mesure de son déclin, ses sens s'éteignent avant ou au moment même de sa fin. Ainsi, tout individu est sans commencement ni fin de son point de vue, c'est-à-dire immortel à lui-même.
Le 14/12/2018 à 08h42
Le 17/10/2018 à 18h08
Le 09/10/2018 à 10h58
Le 01/10/2018 à 22h29
J'ai aujourd'hui 14 ans , j'ai déjà écris et vendu une vingtaine de e-book ; créé il y a deux mois une chaîne YouTube de «compilations» qui a déjà dépassé les millions de vues et les milliers d'abonnés. J'ai également créé et lancer beaucoup d'autres «micro-revenus» ce qui me permet de percevoir entre 500 et 1000 / mois et me permet également d'avoir une certaine influence sur pas mal de personne.
Plus tard je compte investir et créer peu à peu divers entreprises ( avec 2 membres de ma famille de mon âge ). Une fois ce but atteint , nous comptons investir dans l'immortalité biologique et le transhumanisme
Le 19/09/2018 à 20h44
Le 02/09/2018 à 05h02
Le 02/09/2018 à 04h56
Le 12/12/2017 à 14h52
Le 05/12/2017 à 14h52
En tant qu'individu qui présente la caractéristique intéressante d'être vraiment immortel (pour de vrai i promise), je vous affirme que vous avez complètement raison.
Steve Jobs
Le 27/11/2017 à 19h55
Certains ont atteint 60 ans avant de suicider. Quelle perte de temps...
Le 21/08/2017 à 02h28
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