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http://sboisse.free.fr/technique/nanotechnologie.php
Auteur: Serge Boisse
Date: Le 01/04/2023 à 15:04
Type: web/MOC
Tags: nanotechnologie,technologie,singularité
pub: oui
commentaires: oui
La technique n'a pas fini de nous émerveiller (et de nous effrayer tout à la fois, mais n'est-ce pas le propre de toute entreprise humaine transcendante ? A vous de vous faire votre propre opinon). Pour preuve, je vous donne ici gratuitement le chapitre de mon livre "L'esprit, l'IA et la SIngularité" consacré aux nanaotechnologies.
L’arrivée de l’IA sera pas le seul événement « super important » qui affectera l’humanité dans les prochaines années. Il en existe un autre :
Cet autre événement sans aucun précédent, ou même analogue, dans toute l’histoire humaine, et qui n'est pas sans danger, c’est l’avènement des nanotechnologies.
Le terme nanotechnologie est peu connu du grand public. Le mot existe dans le dictionnaire, mais la définition : « l’application de la microélectronique à la fabrication de structures à l’échelle du nanomètre » est complètement à côté de la plaque, non seulement elle est fausse mais elle induit en erreur en faisant penser que la nanotechnologie n’est qu’une branche de la microélectronique, un peu plus évoluée c’est tout. Rien n’est plus faux !
La nanotechnologie concerne tout ce que l’on peut faire en assemblant des structures molécules par molécules, voire atome par atome. C’est l’ingénierie moléculaire. Par opposition, tout le reste peut être qualifié de technologie grossière. Jusqu’à présent, tout ce que nous savons faire, des outils de l’âge de pierre aux microprocesseurs, reste de la technologie grossière.
Les nanotechnologies, c’est la possibilité de construire des matériaux, des structures, des systèmes, des calculateurs, des robots, et même des usines entières, dont la taille entière sera de l’ordre du nanomètre,
c’est à dire le millième de l’épaisseur d’un cheveu. On imagine ainsi des robots super miniaturisés qui assembleront, atomes par atomes (mais à une vitesse fantastique) d’autres robots encore plus miniaturisés, et ainsi de suite. On imagine des structures capables de s‘auto-répliquer, sur le modèle du vivant, mais des structures conçues par l’homme et non plus par la nature. En quelques générations, ces nano-usines seront produites par millions de tonnes à la seconde. Tous nos procédés de fabrication deviendront obsolètes du jour au lendemain.
Les nanotechnologies ne sont plus de la science-fiction, elles commencent à sortir des laboratoires. Certains composants de base, comme les nanotubes de carbone, sont déjà produits en quantité dépassant les vingt tonnes par an (remarquons en passant que le nanotube est un produit hautement cancérigène). Il est déjà possible de déplacer un par un des atomes et de les assembler. En 2003, la première liaison atomique a ainsi été réalisée, prélude à l’assemblage de molécules sur mesure, et non plus par des réactions chimiques aveugles.
Des nanomoteurs, nanocapteurs, nano calculateurs, existent déjà. Les nanocalculateurs, déjà en cours de conception, seront bien plus rapides que nos ordinateurs les plus puissants, respectant en cela une des lois de la nature : plus c’est petit, plus c’est rapide.
Couplées ensembles, nanotechnologie et IA Vraie Amicale conduiront au meilleur des mondes possibles.
Les applications des nanotechnologies dans le domaine de la dépollution, ou dans le domaine médical, par exemple, seront immenses : « chargés » avec des nanorobots, nos corps s’autorépareront et deviendront immortels. Mais auront-nous encore besoin de nos corps après la singularité ? Ça, c’est la question.
Actuellement, on sait créer des structures à l’échelle de l’atome. Au moyen d’un instrument appelé microscope à force atomique, on peut déplacer des atomes un par un. L’image ci dessus représente le logo IBM, écrit avec des atomes de Xénon déposés sur une plaque denickel.
Déjà, on sait réaliser des structures plus complexes à cette échelle : des rouages, des axes, des pignons, des bielles, des interrupteurs :
Essieux et rouages. Les petites billes sont des atomes individuels
(Source : site du Foresight Institute)
Ce seront les composants des futures nanomachines. D'ailleurs fin 2013 il y a même eu une course de nanovéhicules, et pour une fois ça se passait en France !
Vu comme ça, ça n’a pas l’air très spectaculaire : des machines minuscules, oui, bon, et puis après ? Mais il y a deux choses qui rendent les nanotechnologies vraiment incroyables :
Plus c’est petit, plus ça va vite. Votre bras mesure a peu près un mètre de long, vous pouvez l’agiter de haut en bas a peu près deux fois par seconde. L’aile d’un oiseau est dix fois plus petite, elle peut battre dix fois plus vite. L’aile d’un moustique émet un bourdonnement aigu parce qu’elle est mille fois plus petite que votre bras, et va mille fois plus vite. Une bactérie est dix mille fois plus petite qu’un moustique, et les dimensions typiques d’un axe ou d’un pignon dans une nanomachine sont de l’ordre de celles d’une centaine d’atomes, soit encore mille fois plus petites qu’une bactérie.
Tout ceci fait qu’une nanomachine typique manipulera des millions et des millions d’atomes et de molécules par seconde. On peut imaginer un « ordinateur mécanique moléculaire », fait non pas de circuits électroniques, mais de circuits mécaniques : tringles, roues dentées, axes, cliquets, etc., tout ceci à l’échelle de la molécule. Un tel ordinateur serait mille fois plus rapide que les plus puissant superordinateurs électroniques existants de nos jours !
OK, me direz-vous, tout ça est intéressant mais ça ne changera pas la face du monde. Si ! Car c’est ici qu’intervient la seconde idée :
il sera un jour possible de construire des nanomachines, appelées assembleurs, qui seront susceptible de construire n’importe quelle autre nanomachine, y compris d’autres assembleurs.
Un bras manipulateur pour un nano assembleur
(source : nanosystems, Eric Drexler)
Nous sommes encore loin de savoir réaliser des assembleurs. Toutefois, cette possibilité technique existe, et rien scientifiquement ne s'y oppose.
Dans la suite de cet texte, je cherche à prédire ce qui se passera si nous y arrivons un jour.
Un assembleur est une nanomachine délicate et compliquée : il comporte un ou plusieurs « bras manipulateurs », d’une taille de quelque dizaine à quelque centaines d’atomes, ainsi que des « pinces » pour maintenir et déplacer la pièce en cours d’assemblage ; tout ceci sera contrôlé par un nano ordinateur, intégré à l’assembleur, et qui lira son programme depuis une « bande perforée » constitué d’une molécule très longue et possédant des « creux » et des « bosses » qui
coderont les instructions d’assemblage. L’assembleur sera ainsi capable de construire, atome par atome, n’importe quelle nanostructure.
Compte-tenu de sa taille réduite, on peut calculer qu’un assembleur typique pourra ajouter au moins un million d’atomes par seconde à la structure en construction. Comme cet assembleur typique sera lui même formé d’un très grand nombre d’atomes, disons un milliard (ce sera probablement moins, mais soyons conservateur), un assembleur pourra se reproduire (assembler un autre assembleur) en environ mille secondes, soit seize minutes.
Voyez-vous la révolution qui se profile ? Non ? Alors écoutez Eric Drexler, dans son livre Engines of creation ( les engins créateurs) :
Imaginez un tel réplicateur flottant dans une bouteille de produits chimiques, faisant des copies de lui-même. Il fait une copie en un millier de secondes, trente-six en dix heures. En une semaine, il en a accumulé assez pour remplir le volume d'une cellule. En un siècle, il y en a suffisamment pour faire un honorable grain de poussière. Si les assembleurs ne savent faire que cela, nous pourrions peutêtre tranquillement les ignorer.
Mais chaque copie va construire des copies d'elle-même. Ainsi, le premier réplicateur construit une copie en un millier de secondes et les deux réplicateurs construisent chacun une copie dans le millier de secondes suivant, les quatre en construisent quatre, etc. Au bout de dix heures, ce n'est pas trente-six réplicateurs que nous avons mais 68 milliards. En moins d'un jour, ils pèseraient une tonne, en deux, ils pèseraient plus que la terre et en quatre, plus que le soleil avec toutes ses planètes – si la bouteille de produits chimiques ne s'assèche pas avant.
Nous ne savons pas encore construire des assembleurs. Mais tôt ou tard, cela viendra. Car la nature nous montre la voie : Dans nos propres cellules, il y a des assembleurs, les ribosomes. Un jour ou l’autre, nous fabriqueront le premier assembleur artificiel, probablement à partir d’un modèle biologique, et la manière dont nous fabriquerons les objets qui nous entourent ne sera plus jamais la même.
La possibilité d’avoir des assembleurs qui se reproduisent eux-mêmes, des réplicateurs, a été théoriquement prouvée dès 1951, et ce avant que Crick et Watson ne découvrent la structure de l’ADN. Les premiers réplicateurs issus des nanotechnologies seront probablement inspirés des processus biologiques, ils utiliseront peut-être même des composants biologiques comme des molécules d’ARN. Simplement ces premiers assembleurs seront modifiés par les chercheurs pour fabriquer autre chose que des protéines. Très vite, nous saurons fabriquer n’importe quelle molécule et n’importe quel assemblage de molécules.
Comment utiliser les assembleurs et les réplicateurs pour construire des objets utiles, des objets plus gros que quelques molécules ? Les assembleurs seront des machines minuscules. Peux-t-on raisonnablement croire que nous pourrons fabriquer des gros objets avec eux ? Oui ! Encore une fois, c’est la biologie qui vient à notre secours. Les assembleurs biologiques arrivent bien à fabriquer des baleines, après tout.
Pour faire de gros objets en peu de temps, un grand nombre d'assembleurs doivent coopérer : les réplicateurs produiront des assembleurs à la tonne. En fait, avec une bonne conception, la seule différence entre un réplicateur et un assembleur viendra entièrement de la programmation du nano-ordinateur intégré à l'assembleur.
Si un assembleur répliquant peut se recopier en un millier de secondes, alors il peut être programmé pour construire aussi vite un objet de taille similaire. En changeant d'échelle, une tonne de réplicateurs pourra rapidement construire une tonne d’autres choses – et le produit aura ses milliards de milliards de milliards d'atomes à la bonne place, avec seulement une infime fraction au mauvais endroit. Drexler donne, toujours dans son livre Les engins créateurs, une vision saisissante de ce que cela pourrait donner :
« Imaginez que vous essayez de construire une maison en collant ensemble des grains de sable. Ajouter une couche de grains de sable prendrait peut-être tellement de temps aux machines à coller, que monter les murs durerait des dizaines d'années. Maintenant, imaginez que dans une usine, des machines collent ensemble les grains pour faire des briques. L'usine peut fabriquer de nombreuses briques simultanément. Avec assez de machines à coller les grains, les briques seraient fabriquées rapidement et les machines à assembler pourraient alors monter les murs très vite en empilant les briques pré assemblées. De la même manière, les assembleurs moléculaires feront équipe avec des assembleurs plus grands pour construire de gros objets rapidement –ces machines pourront avoir n'importe quelle taille : moléculaire ou gigantesque. Avec cette approche, la plus grande part de la chaleur de l'assemblage sera dissipée loin du site de construction, lors de la fabrication des pièces.
La construction des gratte-ciel et l'architecture des êtres vivants suggèrent une autre méthode pour construire de grands objets. Les plantes et les animaux ont des systèmes vasculaires constitués de vaisseaux entremêlés qui conduisent les matériaux de construction jusqu'aux machines moléculaires. De la même manière, après que les ouvriers bâtisseurs ont fini l'armature d'un gratte-ciel, son système vasculaire –ses couloirs et ses ascenseurs, aidés de grues– transporte les matériaux de construction jusqu'aux ouvriers par l'intérieur du bâtiment. Les systèmes d'assembleurs peuvent utiliser la même stratégie, en dressant d'abord un échafaudage, puis en travaillant à l'intérieur de ce volume, en incorporant des matériaux venus de l'extérieur par des tunnels.
Imaginez cette technique appliquée à la "croissance" d'un gros moteur (réacteur) de fusée à l'intérieur d'une cuve, dans une fabrique. La cuve –faite d'acier brillant percée d'une fenêtre pour les visiteurs– est plus grande qu'un homme puisqu'elle doit contenir le réacteur tout entier. Des tuyaux et des pompes la relient à d'autres équipements et à des échangeurs de chaleur. Ces dispositifs permettent à l'opérateur de faire circuler différents fluides dans la cuve.
Pour démarrer le processus, l'opérateur ouvre la cuve, y introduit une plaque qui servira de base à la construction et referme le couvercle. En appuyant sur un bouton, les pompes se mettent en marche et la cuve se remplit d'un liquide épais et laiteux qui submerge bientôt la plaque, puis obscurcit la fenêtre. Ce liquide provient d'une autre cuve dans laquelle des assembleurs répliquant ont été cultivés, puis reprogrammés en recopiant et répandant une nouvelle bande d'instruction, un peu comme l'infection de bactéries par des virus. Ces nouveaux systèmes d'assembleurs, plus petits que des bactéries, diffractent la lumière et donnent son aspect laiteux au fluide. Leur grande abondance le rend visqueux.
Au centre de la plaque de base, en bas du tourbillon du liquide chargé d'assembleurs, réside une "graine". Elle contient un nano-ordinateur dans lequel les plans du réacteur de la fusée sont stockés, et sa surface est couverte de petites plaques auxquelles les assembleurs peuvent se fixer. Quand un assembleur se colle à une plaque, un branchement a lieu et l'ordinateur de la graine transfère des instructions à l'ordinateur de l'assembleur. Ce nouveau programme lui indique où il se situe par rapport à la graine et lui fait déplier ses bras manipulateurs pour accrocher d'autres assembleurs. Ceux qui sont capturés sont alors programmés de la même manière. Obéissant aux instructions venant de la graine (qui se propagent par le réseau en expansion des assembleurs communicants), une sorte de cristal d'assembleurs se forme au milieu du chaos du liquide. Comme chacun des assembleurs connaît sa position dans le plan, les nouveaux qui s'agrègent ne le font qu'aux endroits nécessaires. Ceci forme bientôt un réseau moins régulier et plus complexe que n'importe quel cristal naturel. En quelques heures, le squelette d'assembleurs grandit jusqu'à atteindre la forme finale du futur moteur fusée.
Les pompes sont alors remises en marche et le liquide laiteux d'assembleurs non-attachés est remplacé par une mixture limpide à base de solvants organiques et de substances dissoutes –y compris des composés d'aluminium ainsi que des molécules riches en oxygène et en énergie pour alimenter les assembleurs. Comme le liquide s'éclaircit, la forme du réacteur devient visible à travers la fenêtre : elle ressemble à une maquette en taille réelle sculptée dans du plastique blanc translucide. Puis, un message provenant de la graine indique à certains assembleurs de se détacher de leurs voisins et de replier leurs bras. Ils se détachent alors soudainement de la structure, en jets blancs, laissant derrière eux un réseau discontinu d'assembleurs attachés ensemble et disposant chacun d'assez de place pour travailler. La forme de l'engin dans la cuve devient presque transparente, avec quelques irisations.
Chaque assembleur restant, bien qu'encore relié à des voisins, est maintenant entouré par de petits tunnels remplis de fluide. Certains bras spéciaux de l'assembleur travaillent comme des flagelles, agitant le liquide pour qu'il circule à travers les canaux. Ces mouvements, comme tous ceux effectués par les assembleurs, sont accomplis par des moteurs moléculaires qui tirent leur énergie de molécules contenues dans le liquide. Exactement comme le sucre fournit de l'énergie aux levures ; le liquide qui circule apporte des molécules de carburant et des matériaux bruts pour la construction. Il ressort en emportant la chaleur produite. Le réseau de communication propage les instructions jusqu'à chaque assembleur.
Ceux-ci sont maintenant prêts à commencer la construction. Ils vont fabriquer un réacteur de fusée, constitué principalement de tuyaux et de pompes. Cela signifie qu'il faut construire des structures résistantes et légères, de formes complexes, quelques unes devant résister à une chaleur intense, d'autres étant pleines de tubes pour transporter du liquide de refroidissement. Là où une grande solidité est nécessaire, les assembleurs sont programmés pour construire des baguettes tressées en fibres de carbone sous sa forme diamant. Avec celles-ci, ils construisent un réseau conçu de manière à résister le mieux possible aux tensions dans la direction attendue. Quand la résistance à la chaleur et à la corrosion est primordiale (comme pour beaucoup de surfaces), ils construisent des structures similaires mais en oxyde d'aluminium, sous sa forme saphir. Aux endroits où les tensions seront faibles, les assembleurs économisent du poids en laissant de plus grands espaces dans la matrice. Aux endroits de fortes tensions, les assembleurs renforcent la structure jusqu'à ce que les canaux permettent à peine le passage d'un assembleur. Partout ailleurs, les assembleurs déposent d'autres matériaux pour faire des capteurs, des ordinateurs, des moteurs, des solénoïdes et tout ce qui est nécessaire.
Pour finir leur travail, les assembleurs construisent des murs formant des cellules dans les canaux restants après les avoir vidés de leur contenu liquide. Après avoir obturé les ouvertures externes des canaux, les assembleurs se retrouvent en solution autour de la structure. Enfin, la cuve est vidée et un jet d'eau rince le réacteur. Le couvercle se soulève et la pièce terminée est hissée dehors pour sécher. Sa création aura pris moins d'un jour et presque aucune attention humaine. A quoi ressemble le réacteur ? Plutôt qu'une pièce massive de métal soudé et boulonné, c'est une chose sans défaut, ayant l'aspect d'une pierre précieuse. Ses cellules vides à l'intérieur de la structure sont arrangées en matrices ayant une taille proche de la longueur d'onde de la lumière visible. L'effet produit ressemble à la diffraction observée sur les cuvettes gravées dans les disques compacts : des irisations diverses comme dans les opales de feu. Les canaux vides allègent encore une structure déjà fabriquée avec les matériaux les plus légers et les plus durs connus.
Comparé à un réacteur moderne en métal, cet engin sophistiqué pèse dix fois moins. Tapez doucement dessus et il sonne comme une cloche mais avec un ton étonnamment haut pour sa taille. Monté sur un vaisseau spatial construit de la même manière, il s'envole d'une piste d'aviation pour aller dans l'espace et revenir se poser avec aisance. Il supporte un usage long et éprouvant, parce que ses matériaux solides ont permis aux ingénieurs d'inclure dans la conception de grandes marges de sécurité. Et comme les assembleurs ont permis aux concepteurs de modeler sa structure afin qu'il plie avant de rompre (atténuant les amorces de fissures et stoppant leur développement), le réacteur n'est pas seulement dur mais également résistant. Malgré toutes ses propriétés exceptionnelles, ce réacteur reste fondamentalement très classique. Simplement, ses atomes de métal ont été soigneusement remplacés par des atomes légers et solidement liés. Le produit final ne contient pas de nanomachinerie.
Des conceptions plus évoluées exploiteront encore davantage les nanotechnologies. Les assembleurs peuvent laisser un système vasculaire en place afin que des assembleurs et des désassembleurs puissent encore circuler. Ils pourraient être programmés pour réparer les parties usées. Aussi longtemps que l'utilisateur continuera à alimenter un tel réacteur avec de l'énergie et des matériaux bruts, celui-ci renouvellera sa propre structure. Des machines plus avancées pourraient également être littéralement transformables. Les réacteurs de fusée sont plus efficaces quand ils peuvent prendre différentes formes, adaptées à chaque phase de vol mais les ingénieurs ne peuvent pas faire du métal à la fois solide, léger et souple. Avec les nanotechnologies cependant, une structure plus solide que l'acier et plus légère que le bois peut changer de forme comme un muscle (fonctionnant, comme les muscles, sur le principe des fibres coulissantes). Un réacteur pourrait alors dilater, contracter ou orienter sa base pour fournir la poussée attendue, dans la direction souhaitée. Avec des assembleurs et des désassembleurs correctement programmés, il pourraitmême remanier sa structure fondamentale bien après avoir quitté la cuve.
En résumé, les assembleurs répliquants se recopieront à la tonne, puis fabriqueront d'autres produits comme des ordinateurs, des réacteurs de fusée, des chaises et tout ce que l'on veut. Ils feront des désassembleurs capables de casser la pierre pour fournir des matériaux de construction. Ils feront des cellules solaires pour donner de l'énergie. Bien que petits, ils construiront de grandes choses. Des équipes de nanomachines construisent des baleines dans la nature et les graines répliquent des machineries et organisent les atomes en de vastes structures de cellulose, comme pour bâtir des séquoias. Il n'y a rien de bien surprenant à faire pousser un réacteur de fusée dans une cuve préparée spécialement. En fait, les forestiers, en plantant des "graines" d'assembleurs appropriées pourraient cultiver des vaisseaux spatiaux en leur fournissant de la terre, de l'air et du soleil.
Les assembleurs seront capables de faire pratiquement n'importe quoi à partir de matériaux courants et sans travail humain, remplaçant les usines polluantes par des systèmes aussi propres que les forêts. Ils transformeront la technologie et l'économie dans leurs racines ouvrant un nouveau monde de possibilités. Ces assembleurs seront réellement des moteurs d'abondance. »
L’ensemble des processus de fabrication de tous les objets sera radicalement transformé par les nanotechnologies. Nous pourrons construire des pare-brise de voiture entièrement en diamant (les diamants seront produits à la tonne, et pour un coût dérisoire) Nous pourrons construire des ailes d’avion munies d’une « peau » tactile et active, qui supprimera complètement les turbulences dans la couche limite. Nous pourrons concevoir des matériaux infiniment plus résistants que ce qui existe aujourd’hui, avec une qualité de fabrication parfaite à l’atome près, et des ordinateurs si petits que nous en auront des millions dans notre corps. Tout ceci en utilisant les atomes comme matériaux bruts. Il sera également tout aussi facile de désassembler n’importe quoi, de le réduire en atomes prêts à être réutilisés, ce qui mettra fin à toute pollution et permettra de nettoyer la planète.
Le seul problème restant sera celui de la programmation des assembleurs et désassembleurs, c’est à dire celui de la conception des objets à fabriquer et du processus de leur assemblage. Si ce sont des IA qui se chargent de ce travail, nous auront alors l’équivalent du génie des contes orientaux, prêt à fabriquer n’importe quoi selon nos désirs, et ce gratuitement.
Imaginons quelques applications possibles des nanotechnologies. (La plupart des applications citées ici sont issues du texte d’une présentation faite par Fréderic Levy, disponible sur le web) :
La nanotechnologie permettra de fabriquer des matériaux dont nous n’osons même pas rêver. Nous produiront des diamants par milliers de tonnes, dans des tailles pouvant aller jusqu’à celle d’une maison (ou plus !), et avec toutes sortes de formes. Un diamant n’est que du carbone, après tout. Vous pouvez revendre tous vos diamants, ils ne vaudront bientôt plus rien. En revanche, gardez votre Or. L’Or sera un des composants de certains des futurs matériaux, et on ne peut pas le fabriquer. L'Or (comme l'argent, le fer, le platine, le cuivre, l'oxygène etc.) est un élément, c'est à dire une sorte d'atome, pas une molécule. Les nanotechnologies ne permettent pas de fabriquer de nouveaux atomes, elles se "contentent" de les assembler en molécules, puis d'assembler les molécules en structures plus compllexes (comme des protéines ou des cristaux). c'est déja énorme.
Nous produirons des matériaux composites, à la fois ultra résistants, ultra souples, ultra-élastiques ou ultra rigides, opaques, transparents ou réfléchissants, selon les besoins. Nous produirons même des matériaux dynamiques, dont la configuration s’ajustera en fonction des conditions environnantes. Il est ainsi possible de fabriquer des matériaux à la fois beaucoup plus solides et beaucoup plus légers car utilisant beaucoup moins de matière.
L'industrie cosmétique utilise déjà des dizaines de tonnes de matériaux issues des nanotechnologies chaque année. Ce n'est pas sans danger, nous y reviendront.
La nanotechnologie permet une amélioration de la qualité de fabrication sans précédent. Les atomes étant placés de façon précise, les problèmes liés aux impuretés et aux défauts dans les matériaux disparaissent entièrement. Dans les objets que nous fabriquerons, chaque atome sera à la place assignée lors de la conception.
Le coût de fabrication des objets serait extraordinairement réduit, car la fabrication consommerait beaucoup moins d’énergie et de matière première qu’à présent. De plus, la production étant entièrement automatique, les coûts de mains-d’oeuvre sont pratiquement nuls. En fait, on s’accorde à dire que les coûts de fabrication seraient pratiquement réduits aux coûts de conception (ce qui est le cas aujourd’hui dans l’industrie des logiciels pour ordinateur). En effet, la matière première peut être entièrement recyclée, et l’énergie peut provenir de capteurs solaires. (Ce qui limite aujourd’hui la possibilité d’utiliser les capteurs solaires à plus grande échelle est leur coût de fabrication et leur rendement, deux problèmes que la nanotechnologie devrait être en mesure de résoudre sans difficulté).
L’exemple classiquement donné est celui d’un appareil qui pourrait ressembler à un four à micro-onde. Un tableau de commande permettrait de choisir l’objet souhaité : une paire de chaussure, un ordinateur, une pizza, etc. Des assembleurs commencent par se multiplier dans l’appareil, prenant la forme de l’objet désiré. Puis, une fois la structure créée, ils assemblent l’objet choisi, atome par atome. La paire de chaussure est prête en deux minutes !
De la même façon, les techniques de constructions pourraient être bouleversées. Il est possible d’imaginer des immeubles se créant pour ainsi dire eux-mêmes, des routes ou des tunnels se creusant de la même façon.
Une application étonnante de la nanotechnologie serait un couteau d’un genre particulier : il ne couperait qu’un seul matériau, et refuserait de couper quoi que ce soit d’autre (par exemple votre doigt !). Sa lame serait enduite d’une pâte de nanorobots « découpeurs », hautement sélectifs, et il posséderait sur le manche un sélecteur pour choisir le matériau à découper : métal, bois, plastique, verre, pierre… Vous le réglez sur « métal », il tranchera dans l’acier le plus épais comme si c’était du beurre, mais il résistera si vous voulez couper du beurre ! Vous le réglez sur « marbre » et vous pouvez vous transformer en Michel-Ange et sculpter un « David » en un rien de temps. Et si vous coupez trop loin, pas de problème, le couteau possède une fonction « recoller », et il ressoudera deux morceaux de marbre aussi solidement que s’ils n’avaient pas été séparés, et sans aucune marque visible !
De même qu’il serait possible de fabriquer une montre ou une paire de chaussure, il est possible de recréer de la nourriture directement à partir de l’air et de quelques déchets. C’est ce que fait la chaîne alimentaire, et il est certainement possible d’arriver directement à un steak frites avec salade, sans passer par la croissance de laitue, de pommes de terre, l’élevage d’animaux, puis leur traitement avant que le plat final n’arrive dans notre assiette !
Les nanotechnologies rendent possible la fabrication de « nanobatteries », des batteries qui se rechargent en quelques secondes. L’idée est d’augmenter formidablement la capacité d’un vieux dispositif, le condensateur. En remplaçant la surface des électrodes par des tiges enduites de « nanocheveux », on multiplie la capacité d’un condensateur par plusieurs millions, avec l’avantage d’une légèreté sans pareille, d’une recharge quasi instantanée et d’une durée de vie quasi illimitée. Des prototypes de ces batteries futuristes existent déjà.
Les nanobatteries rendront possible et pratiques les véhicules électriques (même les avions !) et nous ouvrirons la porte d’une société où l’énergie ne sera plus produite dans des énormes centrales, mais localement, et où il ne sera plus nécessaire de la transporter dans des lignes à haute tension, puisque tous les appareils et moteurs disposeront de batteries qu’il suffira de recharger à des « points de charge » alimentés par l’énergie solaire ou éolienne, et qui fleuriront par millions.
Il est envisagé de construire de minuscules nano-robots, capables de se déplacer à l’intérieur du corps humain, voire dans les cellules du corps humain, à la recherche d’agents infectieux, de cellules cancéreuses, par exemple pour les marquer pour destruction par le système immunitaire, ou même pour les détruire directement.
Il a même été envisagé que ces robots aillent réparer directement l’ADN endommagé des cellules.
Des applications plus étonnantes encore sont imaginées :
Évidemment, une des retombées espérées est une augmentation très importante de la durée de vie, dans un état de jeunesse préservé. Nous parlerons plus loin de l’application ultime de la nanotechnologie, l’accès pour nous à l’immortalité.
Il sera possible de fabriquer des ordinateurs minuscules, par exemple pour contrôler les nano-robots se baladant dans le corps humain. Les projets actuels laissent entrevoir des ordinateurs plus puissants que les superordinateurs actuels, mais tenant dans un cube de dix microns de côté.
Pour les même raisons que précédemment, le coût de fabrication de ces ordinateurs serait extraordinairement réduit. Il est difficile d’imaginer aujourd’hui les conséquences que pourraient avoir l’inclusion d’ordinateurs et de nano-machines dans les objets de la vie ordinaire. Imaginez une table qui pourrait sur commande, s’agrandir, se transformer en lit, en chaise, etc.
On pourrait avoir une paire de lunette permettant la visualisation de textes, dessins, vidéos, avec sonorisation. Elle pourrait contenir plus de livres et d’heures de films que la Bibliothèque de France, et serait en contact radio ou optique avec l’extérieur. Ces lunettes intégreraient une caméra vidéo et des micros, permettant d’enregistrer tout ce que vous voyez. Elle serait commandable par la voix, ou par détection des mouvements oculaires, voire manuels (par détection des mains, et visualisation de différents artefacts visuels de commande). Ces lunettes pourraient contenir votre agenda, reconnaître les personnes dont le nom vous échappe... Pour vous donner un faible aperçu des possibilités qu’aurait cet outil !
Enfin, les nanotechnologies permettront la fabrication d’ordinateurs quantiques, des ordinateurs dont les composants peuvent effectuer plusieurs calculs simultanément, ou plus précisément, le même calcul sur plusieurs données à la fois (théoriquement, une infinité). Il a déjà été démontré que les ordinateurs quantiques peuvent factoriser un nombre (trouver les nombres premiers qui le composent) en un temps polynomial en fonction de la longueur du nombre à factoriser, alors que les meilleurs algorithmes non quantiques ont un temps exponentiel. Pour certains calculs, les ordinateurs quantiques seront donc bien plus rapides que les ordinateurs classiques, même construits à l’aide de nanotechnologies.
La nanotechnologie permettra non seulement le recyclage complet des déchets lors de la fabrication, mais le nettoyage des déchets accumulés jusqu’à aujourd’hui. Il serait ainsi possible de « nettoyer la planète », de diminuer, si besoin est, la quantité de CO2 dans l’atmosphère, etc. Inversement, le danger est de pourrir complètement l'atmosphère avec des nanoparticules qui seraient impossible à éliminer.
Plus besoin de détruire le sous-sol pour savoir ce qu’il y a dessous ! Des nano-robots spécialement conçus pénétreront dans le sous sol aussi facilement que s’il était liquide, en s’infiltrant dans les microinterstices de la roche. Et sur l’écran de votre ordinateur, ils vous renverront une vue 3D incroyablement détaillée de la cité romaine enfouie sous la terre.
La NASA est très active dans le domaine de la nanotechnologie, car elle voit là le moyen le plus sûr et le plus économique d’explorer et de coloniser l’espace.
La nanotechnologie permettra non seulement la fabrication de fusées, de stations orbitales, etc., plus solides, plus fiables et à un coût réduit, mais également de « terraformer » d’autres planètes! Il existe des scénarios permettant, à terme, d’aller vivre sur Mars, par exemple. Une autre application envisagée est « l’ascenseur orbital ». Il s’agit de fabriquer un câble vertical, partant de l’équateur, et montant jusqu’à l’orbite géostationnaire, à 36 000 Km d’altitude (et même au delà, pour que la force centrifuge due à la rotation de la terre assure la tension du câble), et tournant avec la terre. Une fois ce câble en place, l’énergie à dépenser pour quitter l’attraction terrestre devient minime par rapport aux moyens utilisés aujourd’hui. Plus besoin de fusées, on prendra l’ascenseur !
La nanotechnologie devrait permettre la fabrication d’un câble suffisamment solide (la tension du câble serait vraiment énorme, mais des nanotubes de carbone pourraient convenir comme matériaux), et pour un coût acceptable pour une telle application.
Enfin, avec les nanotechnologies, les voyages interstellaires deviendront possibles. La principale limitation de ces voyages (outre la vitesse de la lumière) est la quantité d’énergie disponible à bord du vaisseau interstellaire. En effet, pour propulser un vaisseau jusqu’à 90 % de la vitesse de la lumière, la quantité d’énergie nécessaire est telle que, même en convertissant directement la masse en énergie selon la célèbre formule E=mc2, (ce qu’on ne sait pas faire à l‘heure actuelle), on aurait besoin de 99 % de la masse du vaisseau. Et ensuite, plus moyen de ralentir ! Par contre, il est possible d’utiliser une source d’énergie externe au vaisseau : celle d’un puissant laser installé sur Terre (ou, mieux, sur la Lune).
Ainsi ont peut imaginer un « voilier de lumière », ultra léger (moins d’un kilogramme), mais mesurant plusieurs kilomètres de diamètre, qui serait poussé par la lumière d’un puissant laser installé sur la Lune jusqu’à une vitesse proche de la lumière. En une dizaine d’années, il attendrait l’étoile cible, puis la dépasserait sans ralentir. Alors, un canon électrique, installé dans le vaisseau, tirerait vers l’arrière un mini projectile pesant quelques microgrammes. Ce projectile, ainsi ralenti, tomberait doucement sur le sol d’une planète de l’étoile cible (il ne s’échaufferait pas au passage dans l’atmosphère de cette planète car sa taille n’est pas suffisante pour cela).
Le projectile contiendrait des assembleurs et des réplicateurs qui construiraient alors sur le sol de la planète même, en utilisant les matériaux locaux, des micro robots explorateurs, un émetteur radio pour envoyer les résultats vers la terre, et, pourquoi pas, un autre laser très puissant qui serait utilisé pour freiner un second vaisseau, bien plus gros, et contenant des passagers, envoyé depuis la terre. La galaxie est à notre portée.
Un des dangers les plus importants de la nanotechnologie est évidemment la possibilité de l’utiliser à des fins guerrières, criminelles ou terroristes.
Indépendamment de l’amélioration de la fabrication d’armes conventionnelles, il sera par exemple possible de fabriquer par millions de minuscules robots volants, difficilement détectables, permettant d’envahir la vie privée de tous, et hors du contrôle des nations. Les micro drones sont parfois déjà un danger. Les nanodrones seront encore plus dangereux.
Il sera également possible de fabriquer des nano-virus, ciblés pour tuer, beaucoup plus efficacement que les virus naturels. Leur cible pourrait être une personne précise, un groupe de population (défini par sa position géographique, quelques caractéristiques génétiques, etc.).
Des fanatiques pourraient fabriquer une nanomachine se reproduisant indéfiniment, sans contrainte, et transformant absolument tout en plus de copies d’elle-même, visant ainsi à la destruction complète de toute vie sur la planète... C'est ce que l'on appelle le grey goo, la "mélasse grise".
En fait, ces dangers sont si grands, que plusieurs personnes, seraient favorables à un arrêt, ou en tout cas un ralentissement des recherches dans le domaine, si cela était possible! Dans le contexte de compétition internationale, cela paraissant totalement illusoire, il reste le choix de se préparer à l’arrivée de cette technologie et des problèmes qu’elle engendrera (nous en reparlerons plus loin)
Enfin, je finirais les applications envisageables avec un échantillon de quelques idées plus futuristes encore :
Imaginons un vaporisateur de peinture. Mais au lieu de peinture, il vaporise des nanomachines, qui vont se coller à la surface sur laquelle on l’applique. Cette surface peut être de la taille d’un timbre-poste, d’un immeuble, être disposée sur des vêtements, sur la peau, ou sur un mur.
Ensuite, les nanomachines, communiquant entre elles, et avec l’extérieur peuvent, par exemple, afficher n’importe qu’elle image, fixe ou animée. Vous souhaitez changer de papier peint ? Il suffit d’une commande et les motifs affichés sur le mur changent immédiatement. Vous voulez voir un film? Le mur vous le présente, à la taille que vous souhaitez (et en 3D sans lunettes !).
Une technologie en cours d’étude (" Phased Array Optics ", une méthode utilisant la synchronisation de phase de la lumière émise par une source), permet de créer des images en trois dimensions. Il est ainsi possible d’imaginer une salle couverte de cette peinture, et permettant de représenter un spectacle animé en trois dimensions !
Devant un mur couvert de cette technologie, il serait impossible de distinguer une scène réelle d’une fausse! Un paysage est présenté, prenez des jumelles, vous verrez le paysage avec plus de détails !
Vous tenez un livre dans les mains, ressemblant à un livre ordinaire, un livre dont les pages ont l’air d’être en papier.
Appuyez sur une référence en bas de page, et le texte de référence apparaît, prenant la place du texte d’origine. Vous souhaitez voix au livre de vous la retrouver !Vous voulez abandonner momentanément sa lecture pour en lire un autre, demandez au livre le titre choisi, son texte, et ses images, prennent la place du précédent dans les pages.
Vous souhaitez regarder les informations ? N’importe quelle page peut vous présenter une image animée, et les émissions de télévision en cours de diffusion, ou enregistrées dans le livre !
Vous êtes chez vous, et vous organisez une soirée. Vous souhaitez agrandir le salon pour quelques heures ? Poussez les murs, et réorganisez la pièce comme vous le souhaitez! Vous voulez agrandir une fenêtre ? La supprimer ? La rendre plus teintée? Commandez, le mur se modifie !
Une utilisation de la nanotechnologie encore plus étrange a été imaginée et étudiée par J. Storrs Hall. Il l’a appelé “Utility Fog” : « Le brouillard-outil » :
Imaginez un robot microscopique, environ de la taille d’une bactérie, avec une douzaine de bras télescopiques. Maintenant, vous remplissez l’air d’une pièce de tels robots, ils s’attachent automatiquement les uns aux autres par leurs bras télescopiques, et se maintiennent éloignés les uns des autres. Une fois la pièce remplie, ils occupent environ 5% de l’air de la pièce.
Ces robots sont programmés pour être non obstructifs. Vous ne vpoyez pas, vous pouvez marcher normalement dans la pièce, respirer, etc., sans vous rendre compte de leur présence. Leur réseau se reconstituant automatiquement après votre passage.
Vous êtes assis, vous souhaitez un verre d’une boisson dans le réfrigérateur. Donnez la commande : la porte du réfrigérateur s’ouvre toute seule, la boisson est placée dans un verre qui semble flotter dans les airs, puis il vient se placer dans votre main !
Le « brouillard » a exercé les forces correspondantes sur la porte du réfrigérateur, le verre, etc. De la même façon, vous pourriez voler jusqu’au deuxième étage !
Maintenant, le brouillard peut se rendre visible si besoin est. Vous avez besoin momentanément d’une chaise supplémentaire? Elle se matérialise sous vos yeux !
Vous souhaitez discuter immédiatement avec un ami situé à 100 km de chez vous ? Après avoir reçu son accord, vous pouvez vous matérialiser chez lui ! Son brouillard recrée votre image (en trois dimensions!) dans la pièce, de même que votre brouillard recrée votre ami chez vous. Vous pouvez alors discuter tous les deux comme si vous étiez dans la même pièce! Les applications du brouillard-outil sont innombrables.
Les premiers assembleurs seront construits atome par atome, et ils seront limités à la fabrication d’un seul type de molécule. Mais les progrès s’accélèreront très vite, et les premiers assembleurs aideront à concevoir les suivants, plus généraux et plus facilement programmables. De plus, l’arrivée des nanotechnologies sera accélérée par la conception anticipée.
La conception assistée par ordinateur de systèmes moléculaires –qui a déjà commencé– va devenir courante et sophistiquée, poussée en avant par les progrès des ordinateurs et par les besoins grandissants des ingénieurs en nanotechnologies. Grâce à ces outils de conception, les ingénieurs seront à même de concevoir des nanosystèmes de seconde génération, y compris des assembleurs de deuxième génération requis pour les construire. Qui plus est, en conservant suffisamment de marge pour les imprécisions (et en préparant des architectures différentes), les ingénieurs seront capables de concevoir de nombreux systèmes qui fonctionneront du premier coup –parce qu'auparavant, ils les auront fait évoluer virtuellement dans un monde de molécules simulées.
Remarquez l'importance de cette situation : il y aura en développement le meilleur outil de production de l'histoire, un véritable système de fabrication général qui sera capable de faire tout ce qui peut être conçu ET nous aurons déjà un système de conception entre les mains. Attendra-t-on l'apparition des assembleurs avant de se demander comment nous pouvons les utiliser ? Ou bien les entreprises et les pays répondront-ils aux pressions de la compétition en saisissant cette occasion et en concevant des nanosystèmes par avance, pour accélérer l'exploitation des assembleurs quand ils seront disponibles ?
Quelque part dans le monde, tôt ou tard, vraisemblablement dans moins de vingt ans (beaucoup moins si l’IA est disponible avant cette date), une équipe de chercheurs produira le premier assembleur répliquant généraliste et programmable. Cette équipe aura déjà étudié et conçu à l’avance toutes applications qu’elle souhaite développer avec cet assembleur. D’un seul coup, l’ensemble de ces applications deviendra disponible. S’il s’agit d’une société commerciale, elle inondera le marché, étouffant tous les concurrents. S’il s’agit d’une entité à but terroriste ou criminel… Je vous laisse imaginer les terribles conséquences. (Non : en fait, je ne vais pas vous les laisser imaginer, car elles sont très probablement beaucoup plus dangeureuses que tout ce que vous pensez, si vous n’êtes pas un spécialiste du sujet)
Quoi qu’il en soit, appelons cette entité ou cette organisation le précurseur. Le précurseur disposera d’un seul coup, peut être en une seule nuit, d’un avantage économique et militaire sans équivalent dans l’histoire, avec la possibilité de disposer d’un pouvoir absolu.
Si le précurseur est une organisation travaillant pour un état, ce qui est le scénario le plus probable (hors scénarios basés sur l’IA, mais laissons cela de côté pour le moment), cet état sera plus que tenté d’user immédiatement de ce nouveau pouvoir, en commençant par annihiler tous les autres quasi-précurseurs concurrents (par exemple en détruisant leurs ordinateurs).
Je cite encore une fois Eric Drexler :
« Les Etats en guerre se battent comme des bêtes mais en utilisant les citoyens comme leurs os, leurs cerveaux et leurs muscles. Les percées à venir confronteront les Etats à de nouvelles pressions et à de nouveaux choix, les obligeant à des changements rapides de leur comportement. Cela est évidemment inquiétant : les Etats se sont révélés par le passé excellents pour égorger et oppresser.
Dans un sens, un Etat est simplement la somme des gens qui constituent son organisation : leurs actions s'ajoutent pour faire ses actions. Mais la même chose peut être dite pour un chien et ses cellules, bien qu'un chien soit clairement plus qu'un amas de cellules. Les chiens et les Etats sont tous les deux des systèmes évolués avec des structures qui affectent le fonctionnement de leurs parties. Pendant des milliers d'années, les chiens ont évolué principalement pour satisfaire les hommes, parce qu'ils ont survécu et se sont reproduits en accord avec les désirs humains. Depuis quatre mille ans, les Etats évoluent selon d'autres pressions sélectives. Les individus ont bien plus de pouvoir sur leurs chiens qu'ils n'en ont sur "leur" Etat. Bien que les Etats puissent eux aussi bénéficier de la satisfaction des gens, leur existence même a surtout dépendu de leur capacité à utiliser les gens que ce soit en tant que dirigeants, policiers ou soldats.
Il peut sembler paradoxal de dire que les gens ont une emprise limitée sur leur Etat : après tout, les hommes ne sont-ils pas derrière chacune des actions d'un Etat ? Mais dans une démocratie, les chefs d'Etat déplorent leur manque de pouvoir, les élus plient devant les groupes de pression, les bureaucrates sont tenus par des règles et les électeurs qui sont prétendument dépositaires du pouvoir maudissent toute cette pagaille. L’Etat agit et les hommes le transforment mais personne ne peut prétendre le contrôler. Dans les Etats totalitaires, l'appareil du pouvoir a une tradition, une structure et une logique interne qui ne laissent de liberté ni aux dirigeants ni aux dirigés. Même les rois agissaient dans les limites des traditions monarchiques et des pratiques du pouvoir s’ils voulaient rester sur le trône. Bien qu'ils soient faits d'hommes, les Etats ne sont pas humains.
Malgré cela, l'histoire montre que les changements sont possibles, même en bien. Mais ils font toujours passer le système d'un Etat inhumain et semi-autonome, à un autre –également inhumain mais peut-être plus humaniste. Dans nos espoirs d'amélioration, nous ne devons pas confondre les Etats à façade humaine et les Etats à institutions humaines.
Décrire les Etats comme des quasi-organismes ne rend compte que d’un aspect d'une réalité complexe. Cependant, cela suggère une évolution en réponse à de futures percées. La croissance de la puissance des gouvernements, plus spectaculaire encore dans les régimes totalitaires, indique une direction.
Les Etats pourraient se rapprocher du modèle des organismes vivants en contrôlant plus finement leurs composantes. En utilisant des assembleurs répliquants, les Etats pourraient saturer l'environnement de la population avec des dispositifs de surveillance miniatures. Des systèmes d'IA de compréhension de la parole leur permettraient d’écouter tout le monde sans avoir à employer une moitié de la population pour épier l’autre. En utilisant des nanotechnologies comme celles proposées pour réparer les cellules, ils pourraient facilement tranquilliser, lobotomiser ou modifier encoreautrement des populations entières. Ceci ne ferait que donner une autre échelle à des pratiques familières aux Etats. Le monde compte encore des gouvernements qui espionnent, torturent et droguent ; une technologie avancée va simplement étendre ces possibilités.
Mais avec une technologie avancée, les Etats n'ont pas vraiment besoin de contrôler les personnes : ils peuvent simplement s'en débarrasser. La plupart des gens, dans la plupart des Etats travaillent comme des ouvriers, des cultivateurs ou des éleveurs et la plupart de ces ouvriers fabriquent des choses, les déplacent ou les font pousser. Un Etat possédant des assembleurs répliquants n'a pas besoin d'un tel travail. Qui plus est, des systèmes d'IA avancée peuvent remplacer les ingénieurs, les scientifiques, les directeurs et même les dirigeants. La combinaison nanotechnologies/systèmes d'IA permettra de construire des robots intelligents et efficaces. Avec de tels robots, un Etat peut prospérer en se débarrassant de n'importe qui et en principe, de tout le monde.
Les implications en sont différentes selon que l'Etat sert les personnes ou que ce sont les personnes qui servent l'Etat.
Dans le premier cas, nous avons un Etat façonné par les hommes pour servir des buts humains généraux ; les démocraties tentent d'être au moins une grossière approximation de cet idéal. Si un gouvernement contrôlé démocratiquement n’a plus besoin d’employés, bureaucrates ou contribuables, cela ouvrira de nouvelles possibilités dont certaines peuvent se révéler désirables.
Dans le second cas, nous avons un Etat qui a évolué pour exploiter les hommes, peut-être selon des règles totalitaires. Les Etats ont toujours eu besoin des humains parce que le travail humain a toujours été le fondement nécessaire du pouvoir. Qui plus est, les génocides ont été coûteux et difficiles à organiser et à exécuter. Cependant, durant ce siècle, les Etats totalitaires ont massacré leurs citoyens par millions. La technologie avancée rendra les travailleurs inutiles et le génocide facile. L'histoire suggère donc que les Etats totalitaires pourraient supprimer systématiquement leurs citoyens. Il semble probable qu'un Etat qui veut et qui peut nous réduire en esclavage se contentera simplement de nous tuer.
La menace d'une technologie avancée entre les mains de gouvernements rend une chose parfaitement claire : nous ne pouvons pas nous permettre qu'un Etat oppressif prenne la tête dans la course aux percées à venir. »
Une question vitale se pose immédiatement ici :
Si vous avez lui ce livre jusqu’ici, vous devriez avoir une idée de la réponse que je vais proposer… plus loin. Car auparavant, il nous faut cerner encore plus précisément quel est le danger.
Le logo du risque biologique
Le problème, c’est que les nanotechnologies ne sont pas sans risque. Les produits fabriqués par cette industrie sont souvent très toxiques. Plus de 1400 types de nanoparticules sont commercialisées en 2006, dont certains à la tonne, et incorporés dans plus 700 produits, dont des cosmétiques (L’Oréal est un des plus gros utilisateurs) des pneus de voiture, des crèmes solaires, etc.
Or les nanoparticules, à cause de leur taille, s’infiltrent dans les voies respiratoires et sous la peau. Elles passent toutes les barrières, s’infiltrent même dans les axones des nerfs olfactifs, et dans le système nerveux central. A cause de leur forme souvent très allongée, elles ne peuvent pas être phagocytées par les cellules du système immunitaire. Nos poumons sont déjà tapissés de nanoparticules ! Toutes ne sont pas toxiques, mais certaines le sont. Seulement, on ne sait pas lesquelles !
Face à ces dangers, il serait sage d’adopter un principe de précaution. La situation ressemble beaucoup au débat qui a eu lieu au sujet des OGM. On trouve donc déjà des « nanosceptiques » et des « nano enthousiastes ».
Les états sont conscients de ces risques, mais ils sont sous-estimés : les dépenses des USA consacrées à l’étude et la prévention des risques sur la santé des nanotechnologies se montent à 11 millions de dollars en 2006 (à comparer avec les 1,3 milliards que ce pays consacre à ces technologies elles-mêmes). L'industrie nanotechnlogique elle, avoisine les 50 milliards de dollars de chiffre d'affaire. C'est donc une part infime qui sert pour évaluer ou prévenir les danger.
Mais la toxicité des produits nanotechnologiques n’est que le plus petit des problèmes.
Le vrai danger, c’est que les nanotechnologies sans la singularité, sans une IA amicale, conduiront au pire des mondes possibles, et TRES probablement à l’anéantissement de la race humaine en quelques années.
Comment puis-je être aussi affirmatif ?
Il suffit pour s’en convaincre de dresser une petite liste des applications militaires des nanotechnologies :
Ca vous fait frémir ? Moi aussi. Surtout parce qu’il n’y a aucun moyen d’empêcher que cela se produise. Un moratoire sur les nanotechnologies n’aurait aucun effet. Quel militaire pourrait résister au champ de cette Sirène ? Les tentatives actuelles de la commission européenne de mettre sur pied un code éthique des nanotechnologies sont (utiles mais) risibles. C’est trop tard.
Mais il y a encore pire.
Muni de la technologie adéquate, n’importe quel bricoleur ou « hacker » pourra concevoir un nanovirus autoreproducteur : un nano-système analogue à un virus humain (en fait, plus à une bactérie), conçu pour construire un double de lui-même, atome par atome, mais bien plus vite : quelques secondes à peine pour une génération. Considérant ce qui s’est fait pour les virus informatiques, il est à parier que des dizaines de ces nanovirus (je préfère le terme de « nanobugs ») verraient le jour chaque année, conçus par des inconscients ou des fous.
Lâché dans la nature, un seul de ces « nanobug » donnerait naissance à des milliards d’autres en l’espace d’une nuit. OK, me direz-vous, où est le problème ? Le problème, c’est qu’il n’y aurait aucun moyen de les arrêter !
Contrairement aux virus et bactéries biologiques, rien ne pourrait arrêter la multiplication des nanobugs, sauf leur destruction totale par une arme nucléaire si on s’y prend à temps. Si un seul vient à s’échapper, tout est perdu. La multiplication des bactéries est limitée par les ressources en protéines de l’environnement : La bactérie à besoin de décomposer d’autres éléments organiques pour croître et se multiplier. Les invasions de criquets et de sauterelles cessent lorsque ces insectes n’ont plus rien à manger. La multiplication des nanobugs au contraire, ne connaîtrait aucune limite : le nanobug n’a pas besoin de décomposer d’autres organismes. Il puise les atomes dont il a besoin, un par un, autour de lui. Ces atomes seront des atomes d’hydrogène, de carbone, de fer, d’oxygène, ils ne risquent pas de manquer.
La suite logique, c’est qu’en moins d’une semaine l’ensemble de la surface de la planète, et même de son sous-sol, y compris vous et moi, y compris toutes les espèces vivantes animales et végétales, y compris même les océans et une bonne partie de la croûte terrestre, sera décomposé et transformé en une espèce de gelée grise et informe, une « pâte de nanobugs » furieusement occupés à se détruire eux même et à se reconstruire en même temps, à laquelle on a donné le nom de Grey Goo,. « Mélasse grise ». Tout cela à cause d’un seul nanobug lâché dans la nature !
Ca vous semble complètement absurde ? Science-fiction totale ? Continuez à mettre la tête dans le sable, alors.
La première chose, serait peut-être d’interdire purement et simplement les nanotechnologies. Leurs avantages sont peut-être follement tentants, mais face aux dangers potentiels que nous venons de citer ça ne pèse pas lourd. Interdisons donc le développement des nanotechnologies tant que nous ne seront pas sûrs de pouvoir les maîtriser !
Seulement cette solution simple et de bon sens est impraticable dans l’état actuel du réseau social terrestre. Il est évident que des grandes compagnies, des militaires, des terroristes, etc. passeraient outre à l’interdiction.
La seconde idée, puisque tôt ou tard il y aura un précurseur, serait de tout faire pour que ce précurseur soit amical et pacifique. Dans ce cas, le précurseur arriverait peut-être à contrôler les autres entités sociales en passe d’accéder au pouvoir nanotechnologique, et à en empêcher la prolifération. Je crois fermement qu’il ne faut pas que le précurseur soit humain. Les humains sont trop instables, ils ont trop soif de pouvoir, et ils commettent des erreurs. Le précurseur doit être une IA, et qui plus est une IA amicale, une IA dont tout le monde s’accorderait à dire qu’il n’y a pas de danger à laisser le pouvoir nanotechnologique entre ses seules mains. En admettant qu’un tel consensus soit possible, il y aura donc une course de vitesse, entre ceux qui veulent développer des nanotechnologies à des fins nuisibles (ou simplement sans prendre suffisamment de précautions), et ceux qui veulent développer une IA amicale. Cette course de vitesse estdéjà engagée. De son résultat dépend l’avenir de la race humaine.
Malheureusement les gouvernements, et l’opinion publique, ignorent largement l’existence de cette course de vitesse. Pire, ils favorisent en général la mauvaise direction. Les investissements publics et privésdans le domaine des nanotechnologies dépassent largement ceux faits dans le domaine de l’IA (dont la plupart des gens doutent encore même de sa possibilité !), et qui plus est seuls quelques individus sur la planète ont conscience du fait que réaliser une IA amicale est un problème de conception très sérieux et spécifique, qui doit être abordé dès le début. C’est mal parti…
Heureusement, les gouvernements et compagnies qui se sont lancés dans le développement des nanotechnologies sont conscients de leurs dangers potentiels. Au moins dans les pays démocratiques, ces organismes tenteront, et tentent déjà, de freiner la dissémination de leurs savoir-faire. Développer dans le secret a ses limites, mais cela fait gagner du temps.
Eric Drexler, toujours lui, présente une intéressante solution partielle, qui permet à un organisme de développer des nanotechnologies utiles sans susciter la frustration des sociétés concurrentes, car ces techniques pourraient être diffusées sans danger. Il s’agit des assembleurs limités.
Un assembleur limité est conçu dans un but précis, et ne peut pas se reproduire, ou seulement un nombre limité de fois. Ils seraient sécurisés de sorte que quelqu’un qui ne possèderait pas la technologie des assembleurs généralistes ne pourrait pas les reprogrammer.
Comme le dit Drexler :
En utilisant des assembleurs de cette sorte, les gens pourraient fabriquer autant de fois qu'ils le veulent les produits qu'ils désirent, en restant bien sûr limités parce qu'il est permis de construire avec ces assembleurs. Si aucun n'est programmé pour construire des armes nucléaires, aucun ne le fera. Si aucun n'est programmé pour fabriquer des réplicateurs dangereux, aucun ne le fera. Si certains d'entre eux sont programmés pour construire des maisons, des voitures, des ordinateurs, des brosses à dents ou des étagères, alors ces produits peuvent devenir bon marché et abondants. Les machines construites par des assembleurs limités nous ouvriront l'espace, guériront la biosphère et répareront les cellules humaines. Les assembleurs limités peuvent apporter une richesse presque illimitée aux habitants du monde.
Cette tactique atténuera la pression morale qui s'exercera pour la diffusion d'assembleurs illimités. Mais les assembleurs limités laisseront des besoins légitimes insatisfaits. Les scientifiques auront besoin d'assembleurs librement programmables pour mener des expériences, tout comme les ingénieurs pour tester des conceptions. Ces besoins peuvent être satisfaits par des laboratoires scellés d'assembleurs.
Un laboratoire scellé d’assembleur est un objet qui aura la taille d’une noix. Il sera muni d’un grand nombre de connexions qui permettront de le relier à des ordinateurs et de programmer des expériences qui auront lieu à l’intérieur.
Le volume de cette noix sera presque entièrement occupé par des dispositifs de protection et des barrières qui empêcheront n’importe quoi de matériel d’entrer, et surtout de sortir. L’une de ces barrières sera une coque épaisse de diamant pur, interdisant toute tentative de percer la noix. Quand bien même il y aurait une brèche, des capteurs détecteront toute intrusion (ou extrusion) et détruiront alors immédiatement (par une micro explosion) tout le contenu de la noix. Le système est conçu pour laisser sortir uniquement des informations, mais pas des réplicateurs ou des substances dangereuses.
Au centre, dans un volume utile plus petit qu’un grain de sable, (ce qui est immense à l’échelle des atomes), on trouvera des millions d’assembleurs et de réplicateurs, un nano-ordinateur, et des stocks d’atomes divers et de molécules qui permettront de conduire n’importe quelle expérience. Par exemple des scientifiques ou des ingénieurs qui voudront tester la fabrication d’un nouveau gadget visualiseront sur leur écran d’ordinateur une image tridimensionnelle de ce qui se passe à l’intérieur du micro laboratoire. Avec un joystick, ils déplaceront des atomes, et visualiseront le résultat de leur manipulation. Ils programmeront le système pour construire en un clin d’oeil de nouvelles structures moléculaires, et visualiseront immédiatement le résultat sur l’écran.
Ces laboratoires scellés permettront de développer de nouveaux assembleurs limités, de nouveaux composants d’ordinateurs, des machines à réparer les cellules biologiques, etc. A la fin, après un débat public sur leur innocuité, ces choses pourront être fabriquées en grande quantité par des assembleurs limités.
Les laboratoires scellés nous apprendront également à lutter contre des choses vraiment épouvantables, et d’être prêts si elles venaient à être lâchées dans la nature.
Mais est-ce bien certain ?
Un nanobug, capable de s’auto répliquer simplement à partir des atomes environnants, est quand même une machine complexe. Il est plus que probable que les premiers réplicateurs auront besoin de composants plus sophistiqués que de simples atomes pour se reproduire. Un lapin peut se reproduire, mais il a besoin de vitamines. Il les trouve simplement dans sa nourriture, sans avoir à les fabriquer.
De même, il est probable que les premiers réplicateurs auront besoin de puces en silicium pour fonctionner. Un réplicateur mécanique qui utiliserait certains éléments préfabriqués pour se reproduire, comme les puces, serait facile à contrôler. Son « régime alimentaire » un peu spécial ferait que pour stopper sa croissance, il suffirait de ne plus lui permettre de trouver les éléments dont il a besoin dans son environnement.
Nous arriverons à fabriquer des réplicateurs, et à concevoir des applications des nanotechnologies (utiles ou dangereuses), bien avant de savoir comment fabriquer un réplicateur entièrement moléculaire.
Mais comme, tôt ou tard, nous saurons fabriquer des nanobugs entièrement autonomes, utilisant des assembleurs moléculaires, il importe de voir s’il existe des parades à la menace du Grey goo, et plus généralement à celle des nanobugs.
Le plus proche analogue des nanobugs que nous connaissons, ce sont les virus informatiques (les vers informatiques en fait, mais n’ergotons pas). Nous connaissons tous leur parade : les fameux « anti virus ». Un anti virus filtre les messages entrants, et les fichiers ajoutés à un ordinateur, et tente d’y reconnaître la « signature » d’un virus : il le détruit alors simplement en supprimant le code informatique du virus. Peut-on imaginer des nanomachines « anti nanobugs » ?
Le problème pour les nanobugs, c’est qu’il faut les détecter et les supprimer physiquement, un par un. Tâche quasi impossible : les nanobug seront, par construction, simplement parce qu’ils sont microscopiques (nanoscopiques, même), très résistants. En fait, face à une invasion localisée de nanobugs, la seule solution serait de détruire la région entière (et tant pis si c’est une ville !) avec une bombe atomique. Mais ça ne suffira sans doute pas : il faudrait en plus réagir très vite. Un « lâcher de nanobug » qui serait arrivé à couvrir dix mètres carrés couvrira dix kilomètres carrés dans l’heure qui suit. Il est probable que l’explosion arrivera trop tard, et ne les supprimera pas tous. Or il suffit d’un seul pour que ça recommence…
Non, il faut créer des « nano-anti virus ». Des nanobugs plus complexes, dont la tâche sera, en plus de se multiplier très vite, de détruire les autres nanobugs (mais pas les autres copies d’euxmêmes).
Ils doivent aussi être « résistants aux nanobugs » afin de ne pas leur servir de nourriture. De plus, afin d’éviter que les nano-antivirus ne recouvrent eux aussi toute la planète, ils doivent être munis d’un dispositif d’auto destruction une fois leur tâche terminée (par exemple sur un signal radio). Eventuellement ils pourraient être assez perfectionnés pour se « nourrir » uniquement de matière inorganique afin de ne pas détruire la vie autour d’eux.
Mais ça ne suffira pas. En effet ces anti-nanobugs seront très difficiles à concevoir et à fabriquer (ils seront bien plus complexe qu’un nanobug « virus »). Les humains risquent tout simplement de ne pas avoir assez de temps pour le faire. De plus, les anti-nanobugs ont plus de choses à faire que les nanobugs, et donc leur croissance sera plus lente. Or, il faut que leur croissance soit plus rapide, sinon ça ne servira à rien.
Alors, cette solution ?
Finalement, c’est encore une question d’ingénierie ultra rapide : il faudra concevoir en quelques minutes des nano-antivirus qui détruiront les nanobugs et qui devront être plus efficaces qu’eux. Il faudra concevoir des nano-anti-nano-espions. Des nano-anti-nanosaboteurs. Des nano-anti-nano-sondes mentales. Etc. Pour chaque nano-emmerdeur qui sortira des mains des militaires, des labos « qui croyaient bien faire » et des crétins criminels, il faudra trouver quasi instantanément une nano-parade. En sommes nous capables ?
Non.
La seule solution, c’est de disposer d’une super-intelligence avant l’arrivé des nano-emmerdeurs ; Seule une super-intelligence aura la capacité de réagir assez vite et bien face à une nano-menace. Seule une super-intelligence pourra concevoir assez vite les nano-parades qui résoudront le problème sans créer de nano-ennuis supplémentaires.
Mais c’est une course de vitesse. Il nous faut arriver à la singularité avant que les militaires et imbéciles de tout poils arrivent à fabriquer des nano-trucs-qui-font-chier !
Nous pouvons maintenant donner une définition de la singularité :
La singularité, c’est ce qui se passera lorsque nous parviendront à créer une super intelligence amicale et que nous la chargerons de résoudre nos problèmes. Ou alors, lorsque nous parviendront à créer une IAV inamicale, ou une nanotechnologie sans le contrôle d’une IAV amicale, et que nous n’auront plus de problèmes car nous seront tous morts.
J’espère avoir réussi à vous faire peur. J’espère avoir réussi à vous faire prendre conscience que la super intelligence est non seulement désirable, mais qu’elle est le seul espoir de l’humanité. J’espère avoir réussi à vous faire réaliser qu’il y a urgence extrême, que cela pourrait être une question d’heures, et que, arriver à la singularité par la voie de l’IAV est une question vitale et urgente, la plus urgente de toutes.
Dans la suite, je supposerai que nous y arriverons. Je supposerai que les nano-menaces pourront être conjurées. Je vais maintenant tenter l’exercice périlleux de décrire ce qui nous attend après la singularité.
Serge Boisse, juin 2013
Cette page est extraite de mon livre "L'esprit, l'IA et la SIngularité". Achetez-le, lisez-le,parlez-en autour de vous ! Comme m'a écrit l'un de mers lecteurs :
Votre excellent ouvrage à savoir « L'esprit, l'IA et la SIngularité » a fort épaté le béotien que j’étais en cette matière … ce fut littéralement pour moi, un feu d’artifices permanent, … de sujets nouveaux et d’idées innovantes, … le tout environné de beaucoup de conviction et d’un inconditionnel enthousiasme … Merci donc pour ce livre qui m’apporte, à 73 ans, un éclairage et un complément de connaissances inespérés...
A vous de voir !
Commentaires (4) :
Page : [1]Le 23/11/2018 à 17h54
Le 19/11/2018 à 15h57
Le 29/09/2017 à 11h26
Le 27/06/2016 à 18h07
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