Journal d'un Terrien

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goban_infini
Metadata
Serge Boisse
Le 30/03/2023 à 17:03
web/MOC
oui
oui

Un jeu de Go infini ?

La naissance des structures spatiales


Résumé : Brahma et Vishnu décident de jouer au Go sur un quadrillage infini... et découvrent le moyen de mettre un terme à une longue querelle : l'arithmétique est elle antérieure à la géométrie ou vice-versa ?

Cela faisait bien deux mille ans que Brahma et Vishnu (ou Gabriel et Lucifer, si vous préférez) se querellaient sur ce sujet : Brahma tenait que l'arithmétique était la plus ancienne science, et qu'elle était un préalable à toute autre, même la géométrie, car "rien ne peut se faire sans les nombres entiers". Vishnu était de l'avis exactement contraire : il pensait que les nombres ne peuvent servir qu'à compter et ordonner, et que ceci ne pouvait se concevoir que s'il y a quelque chose à compter et ordonner : or les notions de base de la géométrie, les points et les droites, n'ont pas besoin des nombres pour exister, et les axiomes d'Euclide ne font même pas usage des entiers... A partir des points et des droites, on peut compter leur nombre, leurs intersections, etc., mais c'est la géométrie qui permet de différentier les objets, et par la même de les compter.

Fatigués par deux mille ans de querelle stérile, les deux Dieux décidèrent de se reposer un peu.

  • Jouons à un jeu, proposa Brahma
  • D'accord, répondit Vishnu. Lequel ?
  • Je propose le jeu de Go, suggéra Brahma.
  • Hmm, fit Vishnu. Un jeu très intéressant, pour sûr. Eh bien, d'accord.

( Le jeu de Go (ou wei-chi pour les chinois) est un jeu chinois. Ceci suffit presque à en définir les règles, tellement elles sont simples et naturelles.

Le jeu se joue a deux, ordinairement sur un quadrillage en damier qu'on appelle goban (prononcer : gobanne). Contrairement aux dames et aux échecs, on joue sur les intersections des lignes et non dans les cases. Chaque intersection a donc en général quatre voisins, en haut, en bas, à gauche et droite. Chacun a son tour, les deux joueurs posent un pion (qu'on appelle une "pierre"), ou il veut sur le goban. Le premier joueur "noir" pose une pierre noire, le second joueur "blanc" pose une pierre blanche, et ainsi de suite. On ne déplace jamais les pierres. Lorsque deux pierres de la même couleur sont voisines, elles forment une chaîne. De même pour trois, quatre etc. : dans une chaîne de n pierres, on peut donc aller de proche en proche d'une pierre a l'autre en allant de voisin en voisin. Le nombre total d'intersections vides qui sont voisines des pierres d'une chaîne s'appellent les libertés de la chaîne.

Et voici les deux règles essentielles est si simples du jeu de Go :

Règle

1) Si une chaîne n'a plus de libertés, on la retire du jeu. Toutes les pierres de la chaîne sont capturées par celui qui a supprimé la dernière liberté.
2) il est interdit de poser une pierre à un endroit où elle n'aura pas de liberté.

On pourrait donc croire que le jeu ne consiste qu'à "capturer des pierres en les entourant pour supprimer leurs libertés". Mais en fait il suffit de jouer un peu pour s'apercevoir que le vrai but consiste à créer des chaînes "incapturables", qui délimiteront des territoires dans lesquels l'adversaire n'aurait pas intérêt à jouer car ce serait la mort à coup sûr pour ses pierres. Et en fait la création des territoires est le vrai but du Go, et a la fin de la partie (lorsque les deux joueurs passent consécutivement) on compte simplement les territoires et les pierres capturées.

Pour ceux qui voudraient essayer, il existe une troisième règle, dite du Ko :

Règle 3

3) il est interdit, après une capture, de recapturer la pierre qui vient d'être posée si cela recrée la situation précédente. 

Et voilà, c'est tout. Avec ces règles merveilleusement simples, on crée un jeu dont la complexité, la richesse, la folie même, défie l'imagination. Le Go est bien plus complexe et riche que les échecs par exemple, car, même si la tactique y est (très) importante, entre joueur de bon niveau il intervient également une affaire de "feeling", de "sentir les bonnes formes des pierres", de "jouer avec le bon timing", etc. qui réclame un "sens du jeu" qui ne s'acquiert qu'après des années et des années de pratique et d'étude...)

 - Donc, demanda Brahma, nous allons jouer au Go. Sur quelle taille de damier ? Il nous faut un damier à notre mesure. Pas question de nous contenter du goban 9x9 des débutants, du 13x13 utilisé pour l'entraînement ou même du 19x19 des parties "normales". Que diriez vous de 25x25 ?

  • Intéressant, répondit Vishnu. Si la complexité du jeu augmente exponentiellement avec la taille, ce qui semble être le cas, le jeu sur un Goban 25x25 doit être être presque trois fois plus complexe que sur un 19x19, qui donne déjà bien du fil a retordre a des joueurs professionnels. C'est déjà au delà des capacités humaines, à mon avis. Mais ça ne me satisfait pas. Je pensais à bien plus grand, ajoutait avec un sourire en coin..
  • Bigre ! 35x35, alors ?
  • C'est amusant, comme on utilise toujours des nombres impairs. Pourquoi pas un nombre pair ?
  • Mais, objecta Brahma, on perdrait la notion de symétrie. L'intersection centrale est importante, celui qui y joue contrôle le centre....
  • Oui, répondit Vishnu, mais sur un très grand Goban, disons 100x100, peu importe que ce soit 100x100 ou 101x101 : le centre est si éloigné des bords que cela ne fait plus guère de différence, ne pensez vous pas, mon cher Brahma ?
  • Fichtre ! 100x100, c'est cela que vous suggérez ?
  • En Fait, non, répondit Vishnu d'un air rusé. Je pensais à vraiment plus grand.
  • Diantre ! Et quelle est votre idée ?
  • Je pensais à un goban... infini.

un Goban inini ?

Brahma resta un moment sans voix, avant de laisser tomber :

  • Cornegidouille ! Voilà une idée qui me plaît, Vishnu. Un goban infini ! Mais... comment y jouer ?
  • C'est très simple. En posant chacun une pierre et en suivant les règles. Si d'aventures d'autres règles sont nécessaires sur ce damier un peu spécial, nous nous mettrons d'accord au fur et a mesure sur leur formulation. D'accord ?
  • Hum ! Je pressens encore un de vos coups tordus, mais c'est d'accord, acquiesça Brahma un peu à contrecoeur.
  • Voulez vous commencer, alors ? Proposa Vishnu.
  • Avec plaisir, mais... ou mettre la première pierre ?

Vishnu s'assit sur son postérieur et ramena sa longue queue derrière lui, avant de sourire :

  • Mais... Où vous voulez, mon cher Brahma. Ou vous voulez ! Sur un goban infini, tous les emplacements se valent...
  • Il est vrai. Alors je vais munir notre goban d'un système de coordonnées cartésiennes, et dire que je pose ma première pierre en (0,0), par exemple. Tenez, Vishnu, c'est amusant, vous voyez bien que j'ai besoin des nombres avant d'avoir besoin de la géométrie !
  • Absolument pas, tout au contraire. Je n'ai que faire de votre système de coordonnées. Moi, ce que j'attends de vous, c'est que vous posiez une pierre.
  • Mais je viens de le faire ! Objecta Brahma. En zéro-zéro..
  • Ah Ah ! Et ou est-elle, cette pierre ?
  • Mais je viens de vous le dire ! En zér...
  • Tenez, l'interrompit Vishnu en claquant des doigts pour faire apparaître une petite pierre noire entre ses doigts griffus et poilus. Voici une pierre. Posez là.
  • Quoi ?
  • Vous et moi, nous vivons au paradis, qui a l'avantage d'être infini, sans forme et sans dimension. Nous pouvons donc créer de toute pièce la géométrie qui nous convient pour notre goban. Et nous n'avons nul besoin de nombres pour cela. Posez cette pierre sur le sol à coté de vous , où vous voudrez, et  laissez moi donc jouer à mon tour.

Interloqué, Brahma pris la pierre et la posa avec répugnance à coté de lui.

  • Cela n'a pas de sens, dit il. Il n'y a pas d'intersection, pas de coordonnées, il n'y a rien par terre. Où est votre goban ?
  • Ne voyez vous pas que vous venez de faire un grand pas en posant cette pierre ?
  • Que voulez vous dire ? dit Brahma.
  • Simplement que tout goban que nous choisirons de tracer sur le sol doit avoir deux droites perpendiculaires qui passeront par la pierre que vous venez de poser. La géométrie...
  • N'est rien sans l'arithmétique, termina Brahma. N'essayez pas de relancer notre vieille querelle. Mais je vois ce que vous voulez dire. Nous posons des pierres, et nous tracerons le goban qui les supporte au fur et a mesure, n'est ce pas ?
  • Absolument. Comment faire autrement avec un goban infini ?
  • Simplement avec un système de coord...
  • Stop ! L'interrompit Vishnu. Laissons cela. Avec votre pierre, vous avez fait un grand pas, mais nous ne pouvons encore rien tracer. Il nous manque l'orientation de nos deux premières droites. Nous savons qu'elles passent par votre pierre, mais pas comment elles le font. et c'est cela qui vous choque, n'est-ce pas ?
  • Oui.
  • Laissez moi donc jouer a mon tour, et vous verrez.

A nouveau, Vishnu claqua des doigts et fit apparaître une pierre, blanche cette fois, entre ses doigts. Puis il se leva, fit cinq sur le coté et posa la pierre au sol.

  • Voici ma pierre. A votre tour.
  • Je ne vois pas où vous voulez en venir. Si on peut poser des pierres n'importe où, où est l'intérêt du jeu ? comment compter les libertés ?
  • Ne voyez vous pas, dit Vishnu, que nous avons fait un grand pas ? Nous pouvons maintenant dire beaucoup plus de choses sur la géométrie que nous sommes en train de créer.
  • Ah ! Je vois, fit soudain Brahma. Il y a une droite qui passe par les deux pierres. Donc cela fixe l'orientation du goban. Il ne nous manque plus que la distance d entre les deux pierres pour déterminer le système de coordonnées.
  • Vrai et faux tout a la fois, observa Vishnu.
  • Comment cela ?

Vishnu revint s'asseoir en face de Brahma et se mit a dessiner deux dessins sur le sol :

  • Vous supposez que la situation est telle que sur le dessin de gauche. Dans votre jargon, vous supposez implicitement que la coordonnée Y de ma pierre est la même que celle de votre pierre. Mais qui nous dit que je n'ai pas joué en pensant au dessin de droite, qui en vérité est bien plus général ? En vérité, pour reprendre vos idées absurdes de système de coordonnées, vous avez supposé que j'ai joué en (0,d), alors que moi j'ai joué en (x,y), et sans préciser x ni y, en dehors du fait que ce sont des entiers.. D'ailleurs je n'ai pas précisé non plus la dimension de l'espace : qui vous dit que nous sommes en train de jouer a deux dimensions seulement ?.
  • Je dis que nous êtes complètement tordu, Vishnu.
  • Bien sûr ! Répondit-il avec un sourire narquois. Mais dites moi : J'ai tracé des droites qui ne sont ni verticales ni horizontales. Mais puis-je choisir n'importe quelle orientation ?
  • Que voulez vous dire ?
  • Simplement, que si X et Y sont des entiers, la pente de mes droites est forcément une fraction rationnelle. Elle ne peut plus être n'importe quel nombre réel.
  • La belle affaire !
  • La situation est simplement celle-ci, continua Vishnu avec le plus grand calme. Vous avez posé une pierre noire, j'ai posé une pierre blanche, mais sans préciser ses coordonnées. Si je l'avait fait, cela aurait fixé une fois pour toute la géométrie du goban, d'accord ? Mais je ne l'ai pas fait, car c'est à vous que je veux laisser ce soin...
  • Comment cela ?
  • Simplement en posant votre troisième pierre. Mais laissez moi continuer. Si je vous avais simplement annoncé les coordonnées de ma pierre, sans la poser au sol, cela vous aurait satisfait, vous, car vous croyez n'avoir besoin que d'un système abstrait de coordonnées pour jouer. Mais moi, j'ai besoin de visualiser ce qui se passe, de poser des pierres quelque part et pas dans un système abstrait. En d'autres termes, j'ai besoin d'un support matériel pour jouer.
  • Quelle pauvreté d'esprit ! fit Brahma sarcastiquement.
  • je vous l'accorde, concéda Vishnu, visiblement de bonne humeur. Cependant, c'est ainsi. Et donc, c'est à vous de poser la troisième pierre. Mais vous ne pouvez pas le faire n'importe où, dorénavant.
  • Et comment donc ! Puisque mon but est de gagner ! Je ne joue pas au hasard, moi !
  • Il ne s'agit pas de cela. Simplement votre troisième pierre doit avoir une position cohérente avec les deux autres déjà posées. Nous savons que les trois pierres doivent se trouver aux intersections d'un même quadrillage régulier. Donc, il existe une orientation et une distance unité qui définissent ce quadrillage, et votre pierre doit se trouver dessus, avec des coordonnées entières dans cette unité, ou encore a des coordonnées rationnelles par rapport aux deux pierres déjà posées...
  • Vous voyez bien ! L'interrompit Brahma. Vous avez besoin d'un système de coordonnées, en fin de compte !
  • Je n'ai fait qu'utiliser votre terminologie, pour que ça puisse rentrer facilement dans votre crâne bouffi d'orgueil. Je veux simplement dire que vous ne pouvez jouer n'importe où, dorénavant. Supposons par exemple que vous décidiez de jouer sur la droite qui relie les deux pierres existantes, et que vous décidiez en vous même que cette distance est un entier d. Alors vous ne pouvez pas jouer à la distance π de ma pierre, car π n'est pas rationnel, et nous ne saurons pas tracer les lignes du goban dans ces conditions.
  • Ah ! Fit Brahma. Je vois. Si par exemple je décide que la distance entre les deux pierres déjà posées est de 100, par exemple, et que je veux poser ma nouvelle pierre sur cette droite, je dois la poser à une distance des autres pierres qui soit un multiple entier de d/100...
  • Précisément, confirma Vishnu.
  • Bon ! Mais si je ne veux pas poser ma pierre sur cette droite ?
  • C'est votre droit. Donc, puisque vous y tenez, vous n'avez qu'à imaginer dans votre petite tête que j'ai posé ma pierre a des coordonnées entières quelconques, disons (x=20,y=10), et vous pouvez poser votre troisième pierre n'importe où du moment que vous restez cohérent avec ce choix.
  • Parfait, dit Brahma. Je vais donc supposer que vous avez joué en (1,1), en hane, comme disent les japonais, c'est à dire en diagonale par rapport à moi, et je vais donc jouer juste en dessous, en connectant... ici (coup 3). A vous, maintenant.

- intéressant, répondit Vishnu. Vous avez l'infini de l'espace pour vous, et vous choisissez de jouer au contact de ma pierre !

  • A quoi bon jouer dans mon coin, à des kilomètres l'un de l'autre ? Chacun de nous créerait des territoires de même taille et la partie se solderait par un match nul. Aucun intérêt. C'est dans le combat que nous jugerons nos valeurs respectives ! Alors pourquoi l'éviter ?
  • Certes, répondit Vishnu.
  • Et vous voyez ? Ainsi, avec trois pierres, j'ai fixé le système de coordonnées ! N'est-ce pas merveilleux ? Maintenant nous pouvons tracer le goban, ou bien nous passer de vos fichus pierres et raisonner dans notre tête, en coordonnées, en purs esprits...
  • Que c'est beau, fit Vishnu, sardonique. Mais laissez moi poser ma pierre à mon tour... Disons... ici. (pierre 4 sur le dessin).
  • Hé ! Qu'est ce que vous faites ! C'est de la triche ! Vous posez votre pierre au milieu des autres... Même pas sur une intersection !
  • Mais si, mais, si, répondit Vishnu. J'ai parfaitement le droit de faire ce que je viens de faire. Vous, vous avez raisonné en imaginant Dieu sait quel système de coordonnées, mais moi, ce que j'ai vu, c'est trois pierres posées sur le sol en quinconce, et il existe une infinité de vos systèmes de coordonnées qui permettent le coup que je viens de jouer. Par exemple si la distance entre les pierres 1 et 3 (ou 2 et 3) était 10 et non, un, je pourrais jouer en (4,8), a peu près là où j'ai mis ma pierre... Mais en réalité, le système auquel je pensais, c'est celui ci :
    -Mais C'est déloyal ! S'exclama Brahma.
  • Qu'est ce qui est déloyal ? Les règles ne sont elles pas absolument claires ? N'en n'avons nous pas convenu entre nous avant le début de la partie ?
  • Ce que je veux dire, fit rageusement Brahma, c'est que avec votre fichu système vous allez pouvoir intercaler une pierre entre deux autres, simplement en imaginant que le système de coordonnée est deux fois plus serré que ce que je pensais une minute auparavant...
  • C'est vrai. Et ce n'est pas bon. Pour la suite, il nous faut donc imaginer une règle supplémentaire : il nous faut fixer une échelle, un pas, à notre quadrillage, une fois pour toute.
  • Et une orientation ! Nous avons besoin en fait de trois choses : d'abord un point de départ, la première pierre, donc. Ensuite une orientation des axes, et une échelle. Cela s'appelle un système de coord...
  • Pas du tout, coupa Vishnu, impatienté. L'échelle et l'orientation ne sont pas indépendantes. Elles l'étaient au moment de la pose de la première pierre. Mais maintenant qu'il y a plusieurs pierres posées, il n'en va plus de même.
  • Et pourquoi donc, monsieur je sais tout ?
  • Simplement parce que tout d'abord, dès qu'il y a plus de deux pierres, si nous fixons l'échelle, nous fixons l'orientation. Du moins a une symétrie près.
  • Pourriez vous éclairer ma lanterne ? Demanda Brahma. je ne vois pas...
  • C'est très simple, commença Vishnu en soupirant. supposons qu'il y ait deux pierres. Fixer l'échelle, c'est alors donner une valeur numérique arbitraire à la distance entre ces pierres.
  • Je vois. Une valeur entière, bien sûr.
  • Pas du tout. Nous pouvons prendre n'importe quel réel de la forme racine de la somme des carres de deux entiers....
  • ???
    - Regardez, expliqua patiemment Vishnu :si deux pierres sont posées sur le Goban, Elles doivent être à des coordonnées entières au moins un système de coordonnée : donc la distance entre les deux pierres est forcément de la forme que je viens de vous dire. C'est une application élémentaire du théorème de Pythagore. Donc votre échelle ne peut pas être n'importe laquelle...
  • C'est diabolique !
    - Je ne vous le fais pas dire. Et Maintenant, si nous choisissons de dire que la distance est, disons racine de 18, nous fixons X=3  et Y=3 car ce sont les seuls entiers dont la somme des carrés fait 18. donc l'orientation est fixée par l'échelle. Mais si nous choisissons de dire que la distance est , disons, 4, c'est à dire racine de 16, et comme 16 = 2x2+3x3, nous avons deux choix possibles : soit x=2 et y=3, ce qui fixe les axes dans l'orientation en noir sur la figure, soit x=3 et y=2, ce qui fixe les axes dans l'orientation en rouge...
  • Je vois, dit Brahma au bout d'un instant de réflexion. Et si nous fixons l'orientation d'abord ?
  • Dans ce cas, cela détermine l'échelle maximum, mais, comme vous l'avez dit, on peut toujours la diviser par un nombre entier, ce qui n'est pas déloyal tant que nous ne sommes pas tombés d'accord pour l'interdire.
  • Ne serait-il pas souhaitable, alors, de convenir que dès lors que vous avez posé la seconde pierre, on conviendrait que la distance entre ces deux pierres est tout simplement l'unité indivisible ?
  • Certes, concéda Vishnu.
  • Et dans ce cas, est-ce que cela ne fixe pas l'orientation de nos axes ?
  • Mmm... Oui, mais pas le sens des coordonnées. Lorsque deux pierres ont été posées, et que l'on convient que leur distance est "un", cela fixe en effet l'orientation des axes, et le sens de l'axe des x, qui irait de la première vers la seconde pierre, mais non le sens de l'axe des y. Pour cela, il faut une troisième pierre.
  • Vous êtes pire qu'un Jésuite !
  • Je vous laisse la responsabilité de ce propos, répondit Vishnu. Sauf que votre troisième pierre, sans parler de ma quatrième, ne serait plus alors à des coordonnées entières. Il vous faut donc la retirer.
  • Ah mais, se fâcha Brahma, si c'est ainsi, je refuse de jouer davantage !
    - Ne vous fâchez pas, mon cher Brahma. Reprenons depuis le début. En vérité, c'est très simple. Vous posez la première pierre (noire). Je pose la seconde pierre (blanche) et nous convenons que la distance entre elles est l'unité. Nous reviendrons là dessus, d'ailleurs. Mais admettons. Dans ce cas nous avons le schéma de la figure de gauche. Ensuite, vous posez la troisième pierre ; mais vous voyez bien sur la figure de droite, où j'ai fait pivoter la figure,  que cette troisième pierre n'est pas à une distance entière des deux autres : la distance est l'inverse de la racine de 2, parce que c'est le système d'axes en rouge qu'il faut considérer, non celui en noir.
  • Mouais, Admis Brahma.
  • Donc, avec nos conventions, vous ne pouvez pas la poser là ou vous l'avez fait. D'ailleurs, moi même je n'avais pas vraiment le choix pour poser la seconde pierre, puisque elle devait être à une distance unité de la vôtre. En vérité, c'est là une conception vraiment antipathique car elle suppose que je n'ai pas le droit de jouer ma seconde pierre ou je veux, mais seulement au contact de la votre. A une symétrie près, je n'ai en fait qu'un seul coup possible ! Comment jouer une partie équitable dans ces conditions ?
  • Oui, comment ?
  • Je pense que le plus simple est que, en posant ma seconde pierre, je vous informe de la distance qui la sépare de la première dans mon esprit. C'est seulement ainsi que j'ai le choix de la poser où je veux sur ce goban infini.  Je peux vous annoncer n'importe quel nombre de la forme "racine de la somme de deux carrés" D'après ce que nous venons de dire, cela fixe l'échelle, mais pas forcément l'orientation des axes puisque dans le cas général il y a deux orientations possibles. Je vous annonce donc que ma pierre blanche numéro 2 est à la distance "racine de 10" de votre première pierre.
  • Je pense que ça devient n'importe quoi. Où voulez vous en venir ?
    - Mais voyez le miracle, poursuivit Vishnu, ignorant l'interruption. Avec ce choix, Vous avez maintenant parfaitement le droit de poser la troisième pierre là où vous l'avez fait, et moi ma quatrième pierre là où je l'ait fait, parce que un système de coordonnées qui marche (ce n'est pas le seul) est celui de la figure ci-contre et que dans ce système toutes les pierres ont des coordonnées entières (elles sont sur le quadrillage) et la distance entre les deux premières pierres est bien racine de 10 = racine de 12 plus 32 , d'après Pythagore. toujours.
  • Diable !
  • Un peu de retenue, voyons, souris Vishnu.
  • Mais, dites moi, mon cher ami, est ce que moi je n'aurais pas pu user du même truc en posant la troisième pierre ? Je pouvais vous annoncer n'importe quoi en la posant, moi aussi, genre "elle est à la distance tartempion de la seconde ?"
  • Non, car vous devez respecter l'échelle qui a été fixée une fois pour toute par mon annonce au second coup.

Brahma réfléchit un instant.

  • Ce que vous me dites là est fascinant, conclut-il enfin. Ainsi, pour fixer le système de coordonnées, il suffit de poser deux pierres et d'annoncer la distance que les sépare arbitrairement, tant que c'est bien la racine d'une somme de deux carrés.. Et notez bien que cela peut être un entier, éventuellement, mais pas n'importe lequel : il faut que le carré de cet entier soit la somme des carrés de deux autres... C'est ce que l'on appelle un triplet pythagoricien, je crois ?
    Oui, mais vous avez tort. Le système de coordonnées n'est pas fixé après la pose de la seconde pierre, même avec une annonce de distance.
  • QUOI ?
  • Voyez : il y a deux systèmes possibles, l'un en rouge, l'autre en noir. Dans les deux systèmes, la distance entre les deux pierres est bien racine de 10. C'est seulement au moment de la pose de la troisième pierre que vous déterminez le système que vous choisissez.
  • Ainsi, je pourrais poser cette troisième pierre sur n'importe quelle intersection du quadrillage noir, ou bien du rouge, au choix ?
  • C'est cela, confirma Vishnu.
  • Et existe-t-il des points où les deux quadrillages ont des intersections communes ?
  • Oui. Par exemple le point 1, le point 2, et tous les points qui sont sur la droite qui les joint, à une distance multiple de racine de 10.
  • Ah ! Et dans ce cas, si je joue par exemple la pierre 3 symétrique de la pierre 2 par rapport à la pierre 1, le système n'est toujours pas fixé ?
  • absolument.
  • Nous pouvons donc jouer toute la partie sur ces cases ambiguës ?
  • En ce cas, cela revient a choisir un nouveau quadrillage dans lequel la distance entre les deux premières pierres est 1. Solution que nous avons exclue, car elle restreint la liberté de celui qui joue en second.
  • Je vois.
  • Ça m'étonnerait.
  • Mais il y a une chose qui me tarabuste, continua Brahma, ignorant le sarcasme.
  • Ah oui ?
  • Quelle est alors la stratégie optimale pour le second joueur ? A quelle distance de la première pierre devez-vous jouer pour gagner ?
  • En gros, répondit Vishnu qui avait réponse à tout, il y a deux stratégies extrêmes : Soit je pose ma pierre très loin de la vôtre, et et nous édifions chacun de notre côté des "forteresses" inexpugnables avant d'engager enfin le combat, soit nous choisissons de batailler dès le départ, et advienne que pourra. Entre les deux, il y a toute une gamme de stratégies intermédiaires...
  • Certes, c'est élémentaire. Mais ces deux extrêmes ne se rejoignent-t-ils pas d'une certaine façon ? Nous disposons d'un goban infini, et l'infini n'a pas de bord.
  • Vraiment ? fit Vishnu.
  • Ça vous étonne ? Ça me m'étonne pas de vous. Quoi qu'il en soit, il n'est pas question de créer des territoires sur les bords, comme dans un jeu de go ordinaire. En définitive, quelle que soit la distance forcément finie à laquelle vous poserez la seconde pierre, au bout d'un certain temps il y aura près du centre un gros paquet de pierres des deux couleurs agglomérées ensembles, avec peut être de petits territoires dans les interstices, alors que l'infini tout autour restera vierge et inexploré...
  • Mmm.
    je suppose que c'est un acquiescement que vous venez d'exprimer ? Bref. La seule façon donc de gagner vraiment des points, c'est de créer des territoires immenses, en s'éloignant du centre vers l'infini, en posant des jalons dans différentes directions... Au bout d'un certain temps, vu de très loin,  cela ressemblera à ça : un gros paquet de pierres noires et blanche agglutinées au centre, et des secteurs angulaires appartenant plus ou moins à chacun de nous, avec des frontières plus ou moins nettes, vers la périphérie, avec l'espoir de pouvoir aller jusqu'à l'infini.
  • Vraiment, c'est remarquable que vous ayez vu ça, Brahma. Je n'en attendais pas tant de vous.
  • Ne raillez pas. On peut même ajouter que nous tendrons naturellement a délimiter chaque secteur, en créant des murs qui s'adosseront mutuellement, de sorte que le jeu consistera entre une perpétuelle balance entre la création de murs et les tentatives de limiter les secteurs adverses, qui construira alors un nouveau mur un peu plus loin....
  • Hmm.
  • Encore ? Vous ne savez vous exprimer qu'en grognant, Vishnu ?
  • Hmm...
  • Vous êtes lamentable. Bref, passons.  Mais si nous somme aussi bons joueur l'un que l'autre, la taille de nos secteurs angulaires respectifs sera a peu près égale, de sorte que la partie sera nulle ?
  • Hmm... C'est fort possible.
  • N'y a-t-il pas un moyen de sortir de ce système, pour rendre les choses plus intéressantes ?
  • Bien sûr ! S'exclama Vishnu. J'en vois même plusieurs.
  • Ah !

πOM en sanscritπ

Vishnu s'étira longuement avant de poursuivre :

  • Il y a différents moyens de sortir du système, comme vous dites.
  • Ah ah !
  • Tout d'abord, puisque nous avons un Goban infini, rien ne nous empêche de jouer à l'infini, c'est à dire à une distance infinie des autres pièces. Vous pouvez poser votre pierre "ailleurs" et commencer là un nouveau jeu qui n'aura aucun rapport, du moins spatial, avec le précédent.
  • Mais ça ne sert à rien ! Objecta Brahma.
  • Si, car ce faisant j'aurais passé mon tour sur le premier goban. Vous aurez alors deux coups d'affilée, ce qui peut être extrêmement utile.
  • Mmm.
  • Tiens, observa Vishnu, c'est vous qui grognez, maintenant ? Mais vous avez raison, ce n'est pas très intéressant. Vous trouverez peut être plus intéressant l'idée de sortir de nos deux dimensions et de jouer un coup, à l'improviste, dans une troisième dimension.
  • Un coup vraiment tordu. Ça ne m'étonne pas de vous.
  • Oui, mais c'est intéressant car en ajoutant une dimension supplémentaire on fait gagner d'un seul coup des libertés à toutes les pierres. Avec trois dimensions, chaque pierre a six libertés, et non plus quatre. Avec dix dimensions...
  • Dix dimensions ! Cela parait difficile à visualiser, s'exclama Brahma.
  • Parlez pour vous ! Pour moi, c'est très facile.
  • Pour moi aussi, naturellement. Je blaguais. Nous autres dieux, nous n'avons pas les limitations des humains. C'est ce qui nous permet d'imaginer des choses aussi futiles qu'un goban infini multidimensionnel sans faire usage d'un système de co...
  • Oui, oui, très bien, Coupa Vishnu. Enfin bref, le jeu a dix dimensions n'est pas très intéressant car chaque pierre a trop de libertés et devient impossible a capturer. Vous pouvez au moins vous rendre compte de cela ?
  • Naturellement. Je ne suis pas ramolli du ciboulot, moi.
  • Ravi de l'apprendre, répondit ironiquement Vishnu. Mais il y a encore d'autres possibilités pour sortir du système. Par exemple nous pouvons refuser de se servir d'un système de coordonnées. Ne pas annoncer la distance entre la première pierre et la seconde. Poser chaque pierre où nous voulons.
  • Mais nous l'avons déjà fait ! Ça ne mène à rien. Si vous posez une pierre en dehors du quadrillage, vous le divisez en deux...
  • Et même peut être davantage. Si je pose ma pierre a une distance 2/7 d'une autre, j'aurais en fait divisé le quadrillage en sept...
  • De sorte que c'est comme si on dilatait magiquement l'espace entre les pierres déjà posées, termina Brahma, ravi de couper pour une fois son caquet à l'infâme Vishnu. Ça ne mène à rien. Trop de liberté tue la liberté...
  • Que c'est beau ! Pourtant, l'expansion de l'univers, ça existe bel et bien, non ?
  • Notre goban n'a rien à voir avec l'univers. C'est un monde abstrait.
  • Croyez vous ? Demanda Vishnu. Et Comment est-il né, cet univers ?
  • Le big bang... Commença Brahma.
  • Vous croyez à cela ? Une formule creuse qui ne veut rien dire. L'univers ne peut se construire que peu a peu. La complexité ne s'engendre pas toute seule.
    Trêve de philosophie. Revenons à nos moutons.
  • Il y a quand même quelque chose d'intéressant à cette idée de dilater l'espace. Mais je trouve très réducteur d'avoir à imaginer que toutes les distances résultent de triplets pythagoriciens. Mais je vais vous montrer à quoi je pense vraiment. Supposions qu'il y ait déjà deux pierres posées, formant donc une unité de distance entre elles... Comme ceci.
    - Et alors ? On a déjà parlé de ça.
  • Alors, la troisième pierre, vous pouvez la poser... ici.

  • A une distance 6 de la pierre blanche. Bon, et alors ? Interrogea Brahma. Où cela nous mène t-il ?
  • A ceci que la distance n'est pas 6, mais 2π.
  • Mais ce n'est pas un rationnel ! S'écria Brahma. Sacrilège !
  • Ça vous va bien de dire ça. J'ai simplement posé une pierre par terre, et déjà vous râlez. Mais notez que nous pouvons approcher pi par des rationnels, disons 25/4, 22/7, 355/113 et ainsi de suite. C'est ce que l'on appelle une décomposition en fraction continue. Vous devez connaître ça, quand même !
  • Certes. Ces rationnels deviendront de plus en plus proches de pi. Mais aucun ne sera exactement égal à pi.
  • Et voici l'astuce, poursuivit Vishnu. Vous Pour poser la quatrième pierre, vous choisissez une fraction continue qui représente pi, ce qui vous donne une échelle, et vous jouer en conséquence. Ensuite pour la cinquième, vous pouvez ou bien conserver la fraction précédente, ou bien en choisir une autre plus précise. Vous pouvez même changer de nombre réel, du moment que le nouveau réel que vous choisirez a une fraction continue qui corresponde aux positions des pierres déjà posées. Vous me suivez ?
  • Je vois seulement que vous êtes tordu au delà de toute imagination. A quoi bon toute cette complexité ?
  • A ceci : en dilatant l'espace de cette façon, avec un nombre irrationnel, et ses fractions réduites successives, il n'est nul besoin d'aller chercher l'infini au loin. Il se trouve déjà là, entre les pierres. Nous avons un infiniment grand et un infiniment petit dans notre goban. Et comme deux infinis, cela fait trop, nous pouvons même supprimer l'infiniment grand et jouer simplement sur un goban fini : Comme nous pouvons dilater l'échelle comme il nous plaît, nous n'atteindront jamais le bord.
  • Comme vous y allez ! Et quelle taille choisirez vous pour ce nouveau goban infini mais fini ? 1, peut être ?
  • Précisément, répondit Vishnu.. Vous avez presque deviné ma dernière idée pour sortir du système.
  • J'adore votre "presque".
  • Oui, car un goban réduit à un seul point n'est pas très exploitable... A moins d'avoir une autre idée que je vous laisse deviner.
  • Ben voyons. Mais naturellement, je vois où vous voulez en venir.
  • Vraiment ? Vous m'étonnez.
  • Mais je vais vous laisser le plaisir de l'énoncer vous même, dit Brahma, perfidement.
  • C'est vous, Brahma, qui employez des ruses de Jésuites, maintenant. faites attention, je déteins sur vous et ça n'est pas bon pour vous...
  • Certes non !
  • Bon, alors voici mon idée puisque vous avez la galanterie de me la laisser exposer : D'ailleurs, c'est un peu votre idée ! Vous vous souvenez, lorsque nous avons parlé de la stratégie à adopter pour bien jouer, que vous avez dit que le jeu consisterait à construire, défendre et attaquer des territoires en forme de secteur angulaires ?
  • Bien sûr. Je n'oublie jamais rien.
  • Quel immense avantage d'avoir une mémoire infinie !
  • Détrompez vous, répondit Brahma. Je me souviens de toutes vos perfides insinuations et c'est extrêmement désagréable.
  • Admettons. Alors, continuons. Vous conviendrez alors avec moi que, pour un jeu qui va avoir grosso modo une forme circulaire, il est risible d'utiliser un système de coordonnées cartésiennes ?
  • Un système de coordonnées n'est jamais risible. C'est la preuve de la suprématie de l'arithmétique sur la géométrie.
  • Oui, oui, je sais. Encore vos idées loufoques. Enfin bref, admettez qu'un système de coordonnées polaires serait beaucoup plus adapté à notre jeu infini ?

Brahma se leva, triomphant.

  • Ce serait un moindre mal, dit -il.. Oui, enfin, vous admettez qu'il faut des coordonnées pour situer les objets dans l'espace !
  • Jamais de la vie, répondit Vishnu, et je vais vous le prouver.
  • Et comment cela ?
  • Simplement avec une question : dans votre système de coordonnées polaires, le centre est la première pierre. Mais combien faut il de rayons ?
  • De rayons ?
  • Oui : nous devons jouer sur des intersections. Dans un système polaire, il y aura des cercles concentriques, et des rayons, qui formeront les intersections. Mais combien de rayons ?

Brahma réfléchit un instant avant de répondre.

- Le plus important, dit-il finalement, c'est que autour de chaque intersection, il y ait le même nombre de voisins, quatre pour jouer normalement. Donc il faut quatre rayons... Ainsi la pierre centrale possède elle aussi quatre voisins, comme les autres

  • Bravo ! Nous avons ainsi respecté deux conditions implicites pour notre Goban infini : l'homogénéité, c'est à dire le fait que chaque intersection possède le même nombre de voisines que les autres, et qu'on ne peut pas les différentier localement, et l'isotropie, c'est à dire le fait qu'il n'y a pas de direction privilégiée. Vue de chaque intersection, son voisinage apparaît semblable dans toutes les directions. Ce n'est pas évident à priori, mais on peut toujours déformer le Goban pour que n'importe quelle intersection se croie être "au centre". Vous me suivez toujours ?
  • Hmm. Je crois.
  • Donc ici nous avons quatre voisines pour chaque intersection. Du moins si nous jouons à deux dimensions. A trois dimensions, chaque intersection devrait posséder six voisins, et donc il y aurait six rayons, mais pas tous dans le même plan.
    - Je ne vois pas très bien...
  • Regardez la figure ci-contre, proposa Vishnu. Vous voyez ? En trois dimensions, il y a trois cercles de même rayon centrés sur la pierre centrale, qui déterminent six intersections avec les trois axes...
  • Bon, admettons; Mais nous ne jouons pas en trois dimensions ! Et du reste, même en deux dimensions, ça m'ennuie de n'avoir que deux droites. J'aurais bien voulu jouer n'importe ou sur le plan...
  • Tout à fait d'accord avec vous. Bon, alors j'ai une idée.
    - Encore !
  • Eh oui ! Regardez : Voici la pierre centrale avec ses quatre rayons. Le second cercle définit quatre intersections, avec les quatre rayons. Mais sur le second cercle, on fait partir deux nouveau rayons du centre de chaque "quadrant", et de même sur le troisième cercle, on fait partir deux nouveaux rayons du centre de chaque "octant". Ainsi, chaque intersection a bien quatre voisines... Et progressivement nous créons une infinité de directions. Si nous choisissons correctement les diamètres des cercles successifs, la densité sera globalement a peu près constante.
  • Hmm. Je vois, admit Brahma. L'intervalle entre deux cercles consécutifs va diminuer pour compenser l'augmentation du nombre de "rayons". Mais il y a une chose qui me chiffonne.
  • Ah ?
    - Oui : chaque intersection a quatre voisines, mais ces voisines ne sont pas toutes égales. Par exemple, en partant du centre, on se rend sur une intersection du 1er cercle, puis de la on peut suivre un arc de cercle et revenir au centre : ça nous a pris trois "coups", et on a suivi le trajet jaune Mais si je pars d'une autre intersection, il me faut quatre coups pour revenir à mon point de départ, comme sur le trajet rouge. Votre graphe n'est pas isotrope...
  • Bravo ! S'exclama Vishnu. C'est formidable que vous ayez vu cela.
  • Vous allez me dire que vous le saviez déjà, c'est cela ? Je n'en crois rien.
  • Croyez ce que vous voudrez
  • En tout cas, fit Brahma, conciliant, ça fout votre idée par terre.
  • Mmm.
  • Alors, comment trouver une topologie isotrope et homogène qui garantisse à chaque pierre le même voisinage de quatre autres intersections, et telle qu'on puisse jouer partout sur le plan ?

Et toi, ami lecteur, tu as trouvé ?
A suivre...


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Commentaires

Commentaires (3) :

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Le 05/11/2018 à 17h20
bien joué
Serge Boisse
Le 01/07/2017 à 11h06
Joueur de Go, géomètre, et fan de Dune ? Un intéressant mélange. Merci en tout cas !
Kwizatz Haderach
Le 28/06/2017 à 05h20
Bonjour,



Je viens de tomber sur votre blog alors que je faisais des recherches sur le jeu de go sur des plateaux infini, et je tiens tout d'abord à vous dire qu'en dépit du fait que je n'ai pas une intuition géométrique très forte, j'ai beaucoup apprécié votre article.



Pour répondre à la question posée à la fin, je n'ai pas de connaissances en topologie mais je suppose qu'il est possible de reprendre l'exemple des 2 droites mais en le modifiant pour faire partir 4 spirales du centre, dans ce cas il est sans doute possible d'effectuer des transformations de façon à faire de n'importe quel point le centre, et des changements d'échelle permettraient de jouer sur n'importe quel point de l'espace.


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